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Les Pires                                                     Jeudi 5 Janvier 20h30
                                                                         

Synopsis et détails

Un tournage va avoir lieu cité Picasso, à Boulogne-Sur-Mer, dans le nord de la France. Lors du casting, quatre ados, Lily, Ryan, Maylis et Jessy sont choisis pour jouer dans le film. Dans le quartier, tout le monde s'étonne : pourquoi n'avoir pris que « les pires » ?

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Critiques

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Le tournage d’un film social, où les acteurs sont des enfants malmenés par la vie. Une mise en abyme réussie.

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« On dirait que vous prenez que les pires… » Fine observatrice au visage impassible, Maylis (Mélina Vanderplancke) dit ça comme elle dit tout le reste, l’air de s’en foutre. Avec d’autres jeunes de la cité Picasso, à Boulogne-sur-Mer, l’adolescente participe à un casting d’acteurs non professionnels et note l’intérêt du réalisateur, un Belge chaleureux, pour les gamins cabossés, difficiles, les « cas sociaux ». Comme le petit Ryan (bouleversant Timéo Mahaut), genoux écorchés et grandes billes bleues, dont la tchatche ch’ti révèle, entre deux très gros mots, qu’il a vécu en famille d’accueil avant d’être placé chez sa sœur aînée. Une recrue idéale pour Gabriel (Johan Heldenbergh), le metteur en scène, qui entend raconter une histoire « pas facile facile », tournée en décors naturels avec des interprètes forcément criants de vérité.

Expertes du casting sauvage — c’était le sujet de leur remarquable court métrage Chasse royale (2016) —, Lise Akoka et Romane Gueret signent, avec ce premier long récompensé par le Grand Prix Un certain regard au dernier Festival de Cannes, une de ces mises en abyme qui passionnent les cinéastes. Sorte de « Nuit américaine des cassos », pour faire référence au classique de François Truffaut (1973), Les Pires chronique, à la manière d’une comédie dramatique sociale plutôt ensoleillée, le tournage d’un drame social franchement sombre. Moins pour sonder les affres d’un créateur (Huit et demi, de Federico Fellini) ou rire de catastrophes en série sur un plateau (Ça tourne à Manhattan, de Tom DiCillo) que pour interroger la pratique même de filmer, et la responsabilité qui en découle.

Ce questionnement, les autrices le prennent en charge notamment par le regard à la fois empathique et sans complaisance qu’elles posent sur leur homologue fictif, Gabriel. Qui aime ses acteurs en herbe mais tient plus encore, à 54 ans, à réussir son premier film, quitte à manipuler son monde — ainsi lorsqu’il exige de Ryan « une vraie rage » et accule le petit garçon à une éprouvante crise de nerfs. Sur les clichés, la cinégénie de la misère — « Magnifique », s’emballe le réalisateur devant la façade lépreuse d’une barre de cité — ou la traque de l’émotion chez des amateurs, a fortiori des enfants, dépourvus de technique, le miroir tendu au septième art semble impitoyable.

Pourtant, loin de se limiter à cette peinture assez cruelle, Les Pires saisit aussi le meilleur de l’aventure : la beauté de ces gamins soudain considérés comme des héros, sachant que les parcours des interprètes et des personnages se recoupent parfois ; l’éclosion du talent de Lily (Mallory Wanecque) ; la joie de fabriquer une œuvre collective. La fierté de Ryan, enfin, qui assurait ne jamais pleurer (« Parce que j’ai jamais mal ») et dont les larmes « jouées » paraissent témoigner d’une réparation par l’entremise de la fiction. Le vertige du cinéma, entre effraction et catharsis, dans toute sa splendeur.

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L'exercice du film méta est toujours délicat, en particulier lorsqu'il s'agit d'une première réalisation. Le duo de cinéastes Lise Akoka et Romane Gueret, elles, n'ont pas eu peur, rajoutant même la périlleuse contrainte de tourner avec des enfants. Jouant avec les codes du documentaire, la comédie dramatique s'ouvre sur une succession d'essais réalisés par les jeunes comédiens devant le faux metteur en scène (le toujours très bon Johan Heldenbergh), celui-ci ayant décidé de choisir "les pires" pour son projet, soit des gamins déjà cabossés par les aléas de l'existence, enfermés dans le schéma dramatique des violences silencieuses et des stigmates invisibles.

Au cœur de la cité Picasso de Boulogne-sur-Mer, les résidents ne voient pas d'un très bon œil cette incursion du 7ème Art dans leur quotidien, effrayés des énièmes clichés sur la banlieue et la mauvaise image que pourrait renvoyer le métrage, quand bien même existe la bienveillance avérée de l'équipe. Car entre la crainte de certains et le rejet d'autres (« ce n'est pas parce qu'ils existent qu'il faut les montrer »), "Les Pires" va s'amuser à tendre un miroir à ceux qui refusent d'affronter la vérité, cette misère sociale qu'on essaye de dissimuler sous le tapis, ces gosses abandonnés à eux-mêmes ou baladés de foyers en foyers.

Mais la brutalité de ce monde n'est pas uniquement celle de la société, c'est aussi celle des mômes entre eux, où les insultes ont remplacé les politesses, où une robe suffit à transformer une ado en « salope », où l'humour se limite à dénigrer autrui. Si le constat est noir, le portrait dressé est lui solaire, porté par l'énergie d'une troupe d'acteurs dont la nervosité sied à merveille leur personnages. En résulte une chronique humaniste étonnamment joyeuse qui a su émouvoir le public du Certain Regard à Cannes.

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À mi-chemin entre la fiction et le documentaire, le premier long-métrage de Lise Akoka et de Romane Guéret repose sur une mise en abyme : on y suit un tournage se déroulant dans la cité Picasso, située à Boulogne-sur-Mer. Gabriel (Johan Heldenbergh), le réalisateur pilotant le projet, a délibérément choisi d’engager ceux qu’on appelle « les pires », c’est-à-dire ceux qui, en plus d’une position sociale peu enviable, ont droit au mépris des autres habitants. Les acteurs non-professionnels et l’équipe du film élaborent de concert une mise en fiction de la vie locale, nouant par la même occasion des amitiés à la fois transclasses et intergénérationnelles. On l’aura compris : avec ce récit-miroir, il s’agit d’interroger la manière dont le cinéma social s’inscrit lui-même dans les rapports de classes, en particulier quand il prétend représenter les catégories populaires.

Si l’on définit l’ethnologie comme la science des relations entre l’observateur et l’observé, alors le projet de Lise Akoka et de Romane Guéret en relèverait en partie. Les Pires a pour mérite de ne pas adopter une position de surplomb à l’égard de ses jeunes acteurs et actrices, et de les inscrire dans un rapport d’horizontalité vis-à-vis des nouveaux venus, avec lesquels se tisse une relation de contamination créative. Cette rencontre est aussi le produit d’une mise en scène très homogène – qui s’avère, pour tout dire, assez académique – reposant souvent sur des gros plans de visages et manifestant un désir de réalisme quasi-documentaire (la caméra portée semble parfois même trembler un peu artificiellement). C’est plutôt ailleurs qu’il faut trouver l’intérêt du film, dans sa troupe d’acteurs essentiellement débutants. La spontanéité exubérante de leur jeu, le naturel avec lequel ils parlent – parfois poussés à l’excès dans des scènes heureusement rares qui les transforment presque en bêtes de foire – confèrent par endroits au film l’imprévisibilité de l’adolescence, dans des séquences qui peuvent d’un coup basculer de l’enthousiasme juvénile à une colère incontrôlable frappée du sceau de la misère. Les Pires trouve de la sorte ponctuellement un rythme et une vigueur qu’entrave hélas in fine l’extrême sagesse de sa facture.

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Les Pires est un film qui se moque de lui-même, se cherche des crosses, et l’entreprise d’autocritique est si vive qu’on se demande tout du long comment il compte sauver sa peau. Le pire (ou le mieux ?), c’est qu’il y parvient, avec les honneurs et en collant la larme à l’œil, il faut le voir pour le croire. La combine est celle du film dans le film, rien de très sorcier au départ : Lise Akoka et Romane Gueret mettent en abyme le tournage d’une fiction dans un quartier populaire du nord de la France, genre drame social avec embardées poético-radicales, comédiens non professionnels castés sur place, et un titre à coucher dehors, A pisser contre le vent du nord. Plusieurs ados sont ainsi auditionnés pour interpréter une histoire d’amour entre un délinquant sorti de prison et une adolescente enceinte. Les Pires s’ouvre sur ce processus de casting dit «sauvage», mené par un cinéaste petit-bourgeois à fort accent belge, qu’on sent armé des meilleures intentions (Johan Heldenbergh, parfait d’ambivalence). Chacun pourra éventuellement chercher en lui le reflet reptilien, façon hydre à plusieurs têtes, des frères Dardenne, d’un Bruno Dumont, à moins qu’il ne s’agisse d’un Jean-Bernard Marlin (Shéhérazade) ?

Venues du monde du casting et du coaching pour enfants, les deux cinéastes prolongent le geste de leur premier court métrage, <

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"Un premier long métrage admirable, un film sur un film, un objet théorique qui livre un discours sur le cinéma sans renoncer au lyrisme et à la fiction"

C’est un premier long métrage admirable, signé Lise Akoka et Romane Gueret. Un film sur un film, objet théorique qui livre un discours sur le cinéma mais qui ne renonce pas pour autant au lyrisme et à la fiction - équilibre difficile à tenir, et Les Pires s’en sort vraiment très bien.

Ça se passe à Boulogne-sur-Mer, dans la cité Picasso. Une équipe de tournage est là pour réaliser un casting parmi les jeunes, puis tourner un film. Lorsque le film commence, les images sont celles de ce casting, qui a lieu dans une salle d’école. Les voix du réalisateur et de son assistante nous parviennent mais on ne les voit pas, on est à leur place, place à la fois confortable et compliquée, place dans laquelle on se trouve presque tout du long. Ceux qu’on regarde ce sont Lily, Ryan, Maylis et Jessy, qui vont interpréter les quatre personnages principaux. De l’avis des autres dans la cité, ce sont “les pires” : grandes gueules, repris de justice, enfants cabossés par des situations familiales douloureuses. Ryan, le plus jeune, est placé chez sa sœur, Lily a perdu un petit frère et se fait harceler au collège, Jessy joue les durs et a déjà un casier. On assiste chronologiquement aux différentes étapes de ce tournage, avec ses épiphanies, ses embrouilles, ses difficultés - quand un des acteurs décide de partir, ou qu’une scène de sexe révèle des tensions dans l’équipe.

C’est un film profondément émouvant, qui nous attache les jeunes acteurs en quelques secondes. Les deux réalisatrices ont commencé en faisant des castings sauvages et du coaching d’enfants pour le cinéma français. Elles se servent de cette pratique tout en la mettant en scène, celle qui consiste à repérer dans la rue, dans une école, des enfants, et les faire jouer ensuite. Cette mise en abyme de cette manière de faire est passionnante et révèle tout un fonctionnement d’un certain cinéma social, une tradition du cinéma francophone très ancrée (on pense aux Dardenne, notamment, qui ont beaucoup filmé des enfants issus de milieux populaires voire marginalisés).

Qui exploite qui

Le film vient poser sur ce cinéma un regard très ambivalent, à la fois plutôt empathique et tendre. Le réalisateur est un bon bougre, qui a l’air d’aimer vraiment ses acteurs, de vouloir les inclure dans le processus de création - par exemple quand il emmène le plus jeune au fast-food, le fait parler de sa mère et de sa situation familiale. Mais en même temps, tout geste, tout dialogue, peut être vu comme quelque chose d’intéressé. Une scène est passionnante tout au début : après avoir tourné une scène familiale dans un salon de la cité, espace exigu, rempli de meubles et d’enfants, le réalisateur s’adresse à la famille qui a loué son intérieur : “elle est super votre maison” dit-il, et en effet, pour la scène, elle est super. Une des séquences les plus bouleversantes se passe dans une cour de récréation. Le réalisateur doit filmer une bagarre entre Ryan et ses camarades, mais il n’y arrive pas, la bagarre ne fait pas assez “vraie”. Il s’énerve, encourage les camarades en question à traiter sa mère de pute, parce qu’il sait, en ayant discuté avec lui, que c’est ce qui le met en rogne. Le groupe s’échauffe, les techniciens s’inquiètent de la violence de la situation mais le réalisateur veut continuer à tourner, alors même que le petit garçon est à terre, tout rouge, étouffé par ses copains sur lui. Finalement, quand on coupe, une partie de l’équipe est révoltée, Ryan, lui, essoufflé, rigole. Toute une dynamique de rapports sociaux se joue dans cette séquence : rapports de travail et rapports de classe. Par la pratique, dans un dispositif serré, Les Pires pense sans surplomb et avec une grande intelligence politique le tournage de film comme un choc des classes, comme un milieu propre, pris dans des logiques d’exploitation et de domination. C’est surtout vrai de la première moitié du film, car la seconde est sans doute moins réflexive, et perd un peu de son champ critique, notamment vis à vis de l’équipe de tournage, qui est regardée avec beaucoup moins d'ambiguïté et plus de franche sympathie. Plusieurs scènes de duos, entre le réalisateur et Ryan, entre Lily et l’assistante qui se font une espèce de soirée pyjama, entre, enfin, Lily et l’ingénieur du son duquel elle s’est entichée, rabattent un peu la complexité sur quelque chose de beaucoup plus attendu, plus tendre, mais qui sacrifie un peu la cruauté du dispositif. On peut le regretter un peu, mais c’est le prix de la fiction.

Lucile Commeaux

Fiche technique

ACTEURS

 

Mallory WANECQUE

Timéo MAHAUT

Johan HELDENBERGH

Loïc PECH

Mélina VANDERPLANCKE

Esther ARCHAMBAULT

Matthias JACQUIN

Angélique GERNEZ

Dominique FROT

Rémy CAMUS

François CRETON

Carima AMAROUCHE

EQUIPE TECHNIQUE

 

Réalisation : Lise AKOKA et Romane GUERET

Scénario : Lise AKOKA, Romane GUERET et Éléonore GURREY

Image : Eric DUMONT - AFC

Casting : Marlène SEROUR

Montage : Albertine LASTERA

Production : Marine ALARIC et Frédéric JOUVE, Les Films Velvet

 

FESTIVAL ET PRIX

 

Festival de Cannes 2022, Un Certain regard, Grand prix

Festival d'Angoulême 2022, Valois de Diamant du meilleur film

Festival Fifigrot de Toulouse 2022, Prix du public et Prix des étudiants

Festival de Rome 2022, Alice nella cita, Prix d’interprétation féminine pour Mallory Wanecque

Festival de St Paul Trois Châteaux 2022, Grand prix

American French Film Festival de Los Angeles 2022, Prix du meilleur premier film

Rencontres du cinema de Villefranche 2022, Prix des lycéens

Festival de Sarlat 2022, Prix du jury jeune et Prix d’interprétation féminine pour Mallory Wanecque

Festival de Cosne sur Loire 2022, Prix du meilleur film, Prix d’interprétation féminine pour Mallory Wanecque, Prix d’interprétation masculine pour Johan Heldenbergh

Festival Du grain à démoudre de Gonfreville 2022, Prix du Grand Jury pour le meilleur long métrage et Prix du Jury des Lycéens pour le meilleur long métrage

Les réalisatrices

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Lise Akoka & Romane Gueret

 

Lise Akoka suit un cursus universitaire de psychologie et une formation professionnelle de comédienne, tandis que Romane Gueret fait des études de cinéma à la Sorbonne avant de faire ses premiers pas en tant qu’assistante réalisatrice. Leur premier film, Chasse royale (2016), nait de leur rencontre avec deux enfants pour lesquels elles écrivent une histoire à mi-chemin entre fiction et réalité. Depuis, elles ont réalisé Tu préfères, une série de programmes courts pour Arte qui a rencontré un très grand succès public, et leur premier long-métrage Les Pires a remporté le Prix « Un Certain Regard » lors du Festival de Cannes 2022.
 

Leur travail se caractérise par le regard réaliste qu’elles posent sur la jeunesse et leur manière singulière de sortir des sentiers battus pour partir à la rencontre d’enfants et d’adolescent·e·s donne à leur démarche une grande valeur, à la fois artistique et politique.

Site du Film

Les interviews

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Marine Alaric, Romane Gueret, Lise Akoka 

 

Format Court : Dans l’interview faite il y a six ans sur Format Court au moment du début de carrière de votre court-métrage, Chasse Royale, vous disiez : « C’est un premier film et on a peur de rien ». Comment vous resituez-vous par rapport à cette époque ? Vous n’aviez pas d’aides, vous n’aviez pas eu le CNC, pas de régions pour ce film.

Romane Gueret : J’y repense souvent (et je relis souvent notre entretien). C’est vrai qu’on avait pas peur : on était tête baissée dans notre projet et on se disait que rien ne nous arrêterait. Il y avait une envie d’y aller assez forte et j’ai l’impression qu’on a fait Les Pires de la même façon. Ça n’a pas trop changé mis à part le fait qu’on a eu des aides, que c’est un long-métrage, que tu ne peux pas faire ce film à dix mais effectivement, il y avait toujours cette envie de faire du casting sauvage, d’aller à la rencontre de jeunes et d’être bouleversées par cette rencontre. Il y avait toujours cette envie de questionner nos méthodes qui, sur Chasse Royale, étaient nos méthodes de directrices de casting associées cette fois à la mise en scène. Il y a donc un effet de prolongement cohérent sur ce projet tout en devenant plus expérimentées.

Lise Akoka : En tout cas, on crée toujours dans la même urgence avec des épisodes assez mouvementés.  lire la suite

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