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Aucun ours                                                Jeudi 15 Décembre 20h30
                                                                         

J. Panahi, ancien assistant d’A. Kiarostami, avait déjà remporté le Lion d'or à Venise en 2000 pour Le cercle, le Prix du scénario à Cannes en 2018 avec Trois Visages et trois ans après l'Ours d'Or à Berlin pour Taxi Téhéran. Si cet illustre cinéaste, emprisonné pour « propagande contre le régime », n’a pu venir défendre son dernier film, Aucun ours a reçu le Prix Spécial du Jury à la Mostra de Venise 2022.Le film est la mise en abyme d’un créateur enfermé dans son propre pays, pour mieux dénoncer l’oppression.

Lettre ouverte de Jafar Panahi et Mohammad Rasoulof à la Mostra de Venise :

« Nous sommes des cinéastes. Nous faisons partie du cinéma iranien. Pour nous, vivre, c’est créer. Nous créons des œuvres qui ne sont pas des commandes, c’est pourquoi ceux qui sont au pouvoir nous voient comme des criminels. Le cinéma indépendant reflète son époque. Il s’inspire de la société. Et il ne peut y être indifférent. L’histoire du cinéma iranien témoigne de la présence constante et active de réalisateurs indépendants qui ont lutté pour repousser la censure et garantir la survie de cet art. Pendant que certains ont été interdits de faire des films, d’autres ont été forcés à l’exil ou réduits à l’isolement. Et pourtant, l’espoir de créer à nouveau est notre raison d’être. Peu importe où, quand, ou dans quelles circonstances, un cinéaste indépendant crée ou pense à la création. Nous sommes des cinéastes indépendants ».

Bande Annonce

Synopsis

Dans un village iranien proche de la frontière turque, un metteur en scène est témoin d’une histoire d’amour tandis qu’il en filme une autre. La tradition et la politique auront-elles raison des deux ?
 

Durée : 1h47

Version : VOST

Nationalité : Iran

Année : 2022

Date de sortie : 23 novembre 2022

Drame

Réalisé par : Jafar Panahi

Avec : Jafar Panahi, Naser Hashemi, Vahid Mobasheri, Bakhtiyar Panjeei, Mina Kavani

Critiques

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Après Taxi Téhéran (2015), le réalisateur iranien Jafar Panahi réalise un nouveau docu-fiction qui ne ressemble qu’à lui et à sa manière si particulière d’infuser de la fiction dans ses propres histoires. Assigné à résidence depuis 2010, date à laquelle il est condamné pour propagande contre le régime des Ayatollah, le cinéaste Panahi rivalise d’ingéniosité pour continuer son art, quitte à se mettre en danger. Aucun ours est la rencontre de ces empêchements et de l’urgence de continuer à créer, utilisant toutes les entraves pour illustrer un propos qui se dédouble étrangement. Si le cinéaste se présente physiquement devant la caméra, en tant que lui-même travaillant sur un film, il met en scène un tournage où il ne peut être présent, mais qui est une métaphore éloquente de sa propre situation. L’enchevêtrement des problématiques, la complexité des sentiments et des sensibilités sont au cœur de l’histoire, qui, si elle paraît simple, ne se livre pas aussi aisément qu’on pourrait le croire au premier abord.

Panahi se montre bravant l’interdiction de voyage, installé dans une chambre d’une petite maison de village, proche de la frontière turque. À quelques kilomètres de lui, ses assistants s’affairent pour mettre en chantier un film, qui décrit un couple désireux de fuir l’Iran pour la France, grâce à des faux papiers obtenus auprès d’un passeur. Dès la première scène, qui ouvre Aucun ours, la tonalité du drame entoure les deux acteurs, jouant leurs propres rôles, racontant une histoire proche de la leur, ce qui la rend d’autant plus brûlante. Cette superposition des vérités, nouées aux intrigues appelant le réel et la fiction, sont le sel qui relève le scénario, surlignant chaque coïncidence, ramenant l’auteur face à ses impasses personnelles. Si la menace des autorités reste hors-champ, on ne voit pas un policier ou un militaire dans le film, elle vibre à chaque instant, que ce soit chez Zara, traumatisée par son séjour en prison, ou chez Panahi sous la menace lui aussi de l’enfermement.


Cette présence laisse pourtant place à une surprise, une rencontre avec la population et des traditions qui bouleverse les projets du cinéaste. Une autre trame le rencontre, celle d’un couple qu’il prend en photo lors d’une sortie hors de sa chambre, incapable de travailler le réseau wi-fi fonctionnant mal dans le village. Peu conscient des répercutions de son acte, Panahi se retrouve au centre d’un scandale, témoin d’une rencontre illégitime entre une femme destinée à se marier, projetant de s’enfuir avec son amant. Cette rencontre entre le citadin, originaire de Téhéran, sous le coup du pouvoir séculier et spirituel, et ces villageois enferrés dans des coutumes obsolètes, participent à une collision étonnante des valeurs. Panahi le fugitif se retrouve en témoin d’une scène qu’il ne comprend pas et qui l’amène à jurer devant une assemblée qu’il ne détient pas la fameuse photo qui crée les remous et la colère des villageois.

Chaque situation, celle qui pourrait être le réel et celle qui pourrait être la fiction, finit par se rejoindre dans le drame et la mort. Un « personnage » doit périr tel un sacrifice nécessaire pour apaiser la colère et la peine. L’auteur se représente dans les deux cas comme hagard face à des forces contre lesquelles il ne peut rien et qu’il ne comprend pas. Ce sont deux formes différentes d’obscurantisme, des atteintes à la liberté, qui s’affrontent à distance et demandent une vie en échange de la continuité de l’histoire. Dans un cas comme dans l’autre, pour Panahi, il ne reste que la fuite, célébrant son absence totale de contrôle sur la situation, un homme dans la tempête qui fait ce qu’il peut pour assurer sa propre survie. Le titre du film lui-même est une image : en créant une menace, on manipule les masses. Qu’elle soit fictive ou réelle importe peu, l’effet est immédiat. C’est en quelque sorte cette idée que poursuit Jafar Panahi avec Aucun ours.


Plus que jamais, c’est un message de liberté que porte ce nouveau film, contre toutes les atteintes du quotidien, du pouvoir, et contre tous ceux qui désirent contrôler les vies des peuples pourtant souverains de leur destin. Arrêté en juillet de cette année par la justice iranienne, au même titre que plusieurs de ses confrères cinéastes, Jafar Panahi est plus que jamais le symbole de la vitalité du cinéma comme art témoin du contemporain et comme outil d’émancipation nécessaire.

"Le niveau d’urgence, de douleur et de frustration crie dans chaque plan du film et plus particulièrement dans un fragment saisissant où Panahi ne parvient pas à enjamber la ligne invisible pour quitter son pays. Mais, plutôt que de se complaire dans un rôle victimaire, Panahi choisit d’interroger, avec rigueur et profondeur, la responsabilité du filmeur et des images qu’il fait naître." 

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Avant d’être emprisonné pour “propagande contre le régime”, le cinéaste iranien a tourné ce poignant film à suspense sur l’oppression des femmes et des artistes.

Pas de danger à l’horizon, aucun ours, affirme en substance un villageois au visiteur intranquille. Or rien n’est vraiment rassurant dans cet endroit où tout le monde semble s’épier, et où des flots de politesse convenue paraissent masquer de sombres arrière-pensées. Le lieu est un village iranien isolé, balayé par la poussière, non loin de la frontière turque. Le visiteur s’appelle Jafar Panahi. Il est aussi le réalisateur du film, et beaucoup de spectateurs connaissent son visage – près de six cent mille l’ont vu au volant de son Taxi Téhéran (2015). Avec ce nouvel opus sobrement terrifiant, sorte de thriller à bas bruit, le voici au centre d’une histoire d’intimidation où chaque nouvelle vérité découverte ne tarde pas à en révéler une autre, encore plus angoissante.

Depuis le 11 juillet – après la réalisation de ce film, donc – Jafar Panahi est incarcéré, et purge une peine de six ans de prison pour « propagande contre le régime ». Dans les messages vocaux qu’il envoie aux festivals où il est invité (dont la Mostra de Venise, qui lui a décerné en septembre le Prix spécial du jury), il répète que la raison d’être d’un réalisateur est de tourner, librement, coûte que coûte. Voilà pourquoi il est logique, et troublant à fois, de le voir, dans Aucun ours, savant mélange de réalité et de fiction, acharné à faire un film, encore et toujours. À distance, en l’occurrence. Jafar Panahi dirige, depuis sa modeste chambre d’hôte du village isolé, à l’aide de son ordinateur, et à la merci d’une connexion hasardeuse, un tournage qui se déroule de l’autre côté de la frontière turque, à quelques kilomètres de là – il a éprouvé le besoin de s’en approcher le plus possible. Les acteurs sont un couple d’Iraniens ayant fui clandestinement la République islamique et cherchant depuis longtemps les moyens de s’envoler pour la France, un passeport de contrebande pour chacun et au même moment. Eux aussi jouent leurs propres rôles, deux amoureux amers, fatigués, à bout de forces et d’illusions.

Plusieurs niveaux de réalité

Autour de Jafar Panahi, dans ce village où tout n’est que traditions ancestrales, un autre couple est supposé se former, à marche forcée. Les habitants veulent contraindre une jeune fille à épouser un homme qui revendique ce droit au nom d’une coutume, tandis que la « promise » en aime un autre. Depuis Le Cercle (Lion d’or à Venise en 2001), portrait d’habitantes de Téhéran maltraitées par les autorités, et jusqu’à Trois Visages (2018), confrontant les colères et les désarrois de trois générations de femmes depuis la révolution islamique, l’auteur n’a cessé de montrer les absurdités de la condition féminine en Iran. La région reculée où se déroule Aucun ours livre, en la matière, le pendant archaïque de la violence qui sévit dans la capitale. Alors que seuls les hommes se réunissent et prennent les décisions, les femmes, réduites au silence, usées avant l’âge, se consacrent exclusivement à la cuisine et au ménage ; les adolescentes n’ont d’autre choix que de se préparer à cette fonction auprès d’un homme que, de surcroît, elles n’auront pas choisi.

Et voilà qu’on accuse soudain le cinéaste d’avoir pris une photo taboue, réunissant la jeune fille à marier et son prétendant interdit. Il a beau prouver qu’il ne dispose nullement d’une telle image, la suspicion et les pressions s’accentuent. On l’a aussi aperçu, une nuit, dans la zone où opèrent les passeurs et les contrebandiers, et on le soupçonne d’avoir cherché à franchir indûment la frontière, lui, l’artiste mal vu, le quasi-espion, officiellement assigné à résidence.

Un film dans le film, deux histoires d’amour entravées en miroir, une photo investie de pouvoirs considérables, des interférences troublantes entre la vie et sa représentation… Le film déploie minutieusement, subtilement, sa mise en abyme et ses correspondances entre plusieurs niveaux de réalité – y compris celle que l’on sait désormais subie par Jafar Panahi. Mais le sombre éclat d’Aucun ours consiste, paradoxalement, à dévoiler les failles de tant de virtuosité, face à la force qui tombe. Préoccupé par son sort et par son travail, le réalisateur ne voit pas qu’une terrible tragédie se trame juste à côté de lui. Ni qu’une autre couve sur le tournage de son propre film, en Turquie…

Avant sa carrière jalonnée de récompenses dans les plus grands festivals, Jafar Panahi fut l’assistant d’Abbas Kiarostami (1940-2016), statue du commandeur du cinéma iranien. Avec gratitude et admiration, il a ensuite multiplié, dans son œuvre, les références aux films du maître, d’Au travers les oliviers au Goût de la cerise, de Ten à Le vent nous emportera. Cette fois-ci, une citation en particulier prend un sens poignant. Like Someone in Love (2012), l’ultime long métrage de Kiarostami, alors exilé à force d’être inquiété par le régime de Téhéran, se déroulait à Tokyo. Et se terminait par le lancinant signal sonore d’un four à micro-ondes auquel plus personne ne mettait fin, suggérant une anomalie, au pire la disparition du personnage principal. Le même type de signal ininterrompu, émis ici par une voiture, retentit étrangement dans la dernière scène d’Aucun ours. Jamais hommage n’aura résonné de manière aussi alarmante.

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Jafar Panahi n’est plus seulement un cinéaste interdit. Jafar Panahi est un cinéaste en prison, tout comme Mohammad Rasoulof (Le diable n’existe pas, Un homme intègre) et Mostafa al-Ahmad (La Coquille). Jafar Panahi purge depuis le 11 juillet 2022 une peine que la justice iranienne a prononcée en 2010, assortie d’une interdiction officielle de voyager et de faire des films.

Au cours de la dernière décennie, assigné à résidence jusqu’à l’exécution de sa peine, Jafar Panahi, 62 ans, a continué de faire des films malgré l’interdit, et si lui ne pouvait voyager, ses longs-métrages ont vu du pays, des festivals, des récompenses : Ceci n’est pas un film (2011); Padre (2013, Ours d’argent à la Berlinale); Taxi Téhéran (2015, Ours d’or); Trois Visages (2018, Prix du scénario au Festival de Cannes). Première œuvre de cette période clandestine, Ceci n’est pas un film, projeté au Festival de Cannes, avait été sorti d’Iran d’une manière rocambolesque, copié sur une clé USB cachée à l’intérieur d’un gâteau – cela donne une petite idée de la façon de déjouer la surveillance des autorités iraniennes.
Aucun ours, cinquième film de cette décennie de sursis pour le créateur, était-il nourri de la vision prémonitoire de son arrestation à venir ? Tout en continuant d’y introduire des éléments réalistes sur le quotidien de l’Iran (ici, le poids des traditions, des croyances, les questions de l’exil et de la frontière), Jafar Panahi livre avec ce film un autoportrait, dans lequel le cinéma est non seulement cet art contesté qui, aux yeux du régime islamiste et d’une partie de la société, saisit coupablement le réel, montre ce qu’il ne faut pas montrer, une vision contestataire, un contre-discours à la propagande, mais le cinéaste lui-même y est menacé, traqué, enfermé.

Aucun ours de Jafar Panahi - Copyright ARP Sélection

Jafar Panahi se filme réfugié dans un village iranien isolé, qui est comme un Iran miniature où éclate un conflit des générations, avec une jeunesse étouffée par le carcan des religions et des superstitions. Dans la maison où il travaille en secret et sous le regard suspicieux des villageois, Jafar Panahi préfigure le huis clos carcéral dans lequel il est enfermé aujourd’hui.
Dans Aucun ours, Jafar Panahi se met autant en scène que le cinéma lui-même qu’il interroge, comme dans ses précédentes productions clandestines, avec un traitement autoréflexif du statut des images et de leur fonction. Cinéaste réalisant à distance son dernier long-métrage tourné en Turquie – histoire d’un couple, Zara (Mina Kavani) et Bakhtiar (Bakhtiar Panjei) se disputant à propos de leur exil vers l’Europe -, Panahi se heurte à des problèmes de connexion internet. Cela donne lieu à des scènes cocasses. Il se retrouve mêlé, là-dessus, à une dispute villageoise, sa caméra ayant capté des images qui pourraient arbitrer un conflit domestique. Enfin, le cinéaste, qui loge ici non loin de la frontière avec la Turquie, met en jeu l’exil auquel il ne se résout pas, malgré les persécutions, la peur et la paranoïa.
Jafar Panahi, piégé par sa situation kafkaïenne, fait montre d’un humour dévastateur, comme dans ses précédents films tournés malgré l’interdiction. Aucun ours – le titre renvoie à un détail absurde du récit – est une farce tragi-comique, dont le rire de résistance amuserait follement si l’on ne savait pas que le cinéaste est aujourd’hui un homme emprisonné, un artiste en danger.

Jo Fishley

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Conformément aux habitudes récentes du cinéaste, l’ouverture d’Aucun ours prend la forme d’un jeu de poupées russes enchâssant différentes strates documentaires et fictionnelles. On y découvre un homme et une femme discutant de leur fuite prochaine de l’Iran par des moyens clandestins, dans un plan-séquence très chorégraphié. Par le truchement d’un dézoom à partir d’un écran d’ordinateur, la séquence se révèle en réalité issue d’un film de Jafar Panahi lui-même, qui se met de nouveau en scène en tant que personnage réalisateur. Le cinéaste, sous le coup de la double interdiction de tourner en Iran et de sortir du territoire, dirige son équipe à distance par Skype depuis un village situé près de la frontière irano-turque. suite de l'article

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Le Réalisateur

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J. Panahi,i

Filmographie : "Trois visages", "Taxi Téhéran", "Hors jeu"...

Fils d'un peintre en bâtiment, il a grandi dans les quartiers déshérités de Téhéran.

Après avoir étudié la réalisation de films à la faculté de Cinéma et de Télévision à Téhéran, Panahi fait plusieurs films pour la télévision iranienne et fut assistant réalisateur d'Abbas Kiarostami sur Au travers des oliviers . Son premier long métrage de cinéma, Le Ballon blanc , est récompensé par la Caméra d'or au Festival de Cannes 1995.Ses deux films à charge sur les inégalités et l'absence de liberté dans la société iranienne : Le Cercle (Dayereh , Lion d'or à Venise en 2000) et Sang et or (Talāye sorkh , Prix du jury Un certain regard en 2003), ont été interdits par le gouvernement de la République islamique d'Iran à cause de leurs sujets.

Ainsi, Le Cercle traite de la condition des femmes dans la république islamique d'Iran et en particulier de la prostitution, et Sang et or raconte l'histoire d'un vétéran de la guerre avec l'Irak confronté à l'injustice sociale.

Le régime a également mal accueilli Hors jeu (Offside , Ours d'argent à Berlin en 2006) qui dénonce la place réservée aux femmes dans son pays. En effet, ce documentaire fiction, devenu culte, traite de la fronde des Iraniennes, fans de football, assistant clandestinement aux matches, en contournant l'interdiction faite aux femmes, depuis la révolution islamique de 1979, de pénétrer dans les stades.

Alors que les œuvres de Panahi sont systématiquement primées dans les grands festivals internationaux, elles sont aujourd'hui interdites dans son propre pays, même si elles sont distribuées sous forme de DVD, vendus en secret au marché noir. Il inspire toute une nouvelle génération de cinéastes iraniens. Tournant ses films en secret, il a inventé la technique de la double équipe de tournage. La première est un leurre qui prend en cas de danger la place de la deuxième, la vraie, qui tourne en secret.

A Ecouter

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L'entretien

Contestation en Iran: «Nous n’avons plus peur», témoigne le réalisateur Panah Panahi

Le réalisateur Panah Panahi est de passage à Paris pour promouvoir le film de son père, Jafar Panahi, un grand nom du cinéma iranien, incarcéré depuis juillet 2022 dans son pays. Drôle et grave à la fois, Aucun ours fait écho à l’actualité dans la République islamique d’Iran où le mouvement de contestation se poursuit sans relâche, en dépit d'une répression meurtrière qui s'accentue. Entretien.

RFI : Aucun ours a reçu le Prix spécial du jury à la Mostra de Venise cette année. Il traite de sujets comme l’exil et la privation de libertés. Votre père, Jafar Panahi, a achevé ce film peu de temps avant son incarcération, en juillet. Si vous deviez présenter ce film en une phrase, que diriez-vous ?

Panah Panahi : C’est un film autobiographique – comme tous les films précédents de Jafar Panahi – qui parle des restrictions imposées au peuple, aux cinéastes, aux acteurs et aux artistes en général.

Jafar Panahi, à qui le régime de Téhéran interdit de faire des films, se met d’ailleurs lui-même en scène dans son propre rôle, celui d’un réalisateur voulant tourner une histoire d’amour dans un village du nord-ouest de l’Iran, mais qui est confronté à de nombreux obstacles. Ce film est-il, comme à l’accoutumée dans les œuvres de Jafar Panahi, une forme de combat pour la liberté ?

Justement, c’est l’obsession de chaque artiste vivant dans une société fermée. Quand le régime ordonne des restrictions, l’artiste veut absolument parler et faire en sorte que les autres puissent l’entendre. On demande souvent à Jafar Panahi pourquoi il parle toujours des restrictions, des limites, pourquoi il ne montre pas, dans ses films, des choses positives qui se passent dans la société. Jafar Panahi répond en soulignant que le rôle de l’artiste n’est pas de faire l’éloge de ce qui est positif, de ce qui est libre dans la société. Son rôle consiste plutôt à montrer les limites et les restrictions, à les dépasser en les montrant et à faire naître l’espoir au sein de la société. C’est une contribution à un avenir meilleur.   Lire la suite 

L'actrice Mina Kavani

Iran : depuis une scène de nudité dans un film, l'actrice Mina Kavani n'a plus le droit de rentrer dans son pays

L'actrice Mina Kavani était l'invitée de la chronique culture pour parler de son engagement en faveur des manifestants iraniens. Depuis neuf ans et le tournage d'un film comportant une scène de nudité, Mina Kavani n'a plus le droit de rentrer dans son pays, l'Iran. 

« En Iran, notre vie est petite, mais nos rêves sont immenses. » Mina Kavani arrive en courant, parle en courant, rit en courant et pleure tout de même. L’actrice du nouveau film de Jafar Panahi, Aucun ours, a l’énergie électrique de la révolte. « Quand j’étais petite, si tu demandais à l’un d’entre nous, aucun ne s’imaginait un avenir qui ne soit pas extraordinaire [de ses bras, la trentenaire fait un large geste]. Mes rêves étaient plus grands que moi. Je pensais que j’allais conquérir le monde. » Las, depuis sept ans, Mina Kavani vit l’exil.

Son histoire commence bien avant tout ça. Et débute comme un conte : dans le bazar d’Ispahan, un modeste marchand, le vieux Raffi, tenait une échoppe. De ses sept enfants, Ali était le plus beau et le plus chanceux. Le jeune homme, footballeur, débarqua en France en 1960. Une blessure au pied mit fin à sa carrière. Restait sa beauté tout à fait exceptionnelle, raconte Mina Kavani, dont les yeux gris scintillent comme des opales bleues.

Un jour, dans une station des Alpes, on aborde le jeune homme. Marc Allégret tourne Le Bal du comte d’Orgel (1970). Ali Raffi y tiendra son premier rôle. La suite se passe avec Georges Wilson au TNP de Villeurbanne (Rhône), avec Agnès Varda (L’une chante, l’autre pas et Plaisir d’amour en Iran, tournés en même temps en 1976), avant qu’il retourne définitivement en Iran, au début des années 1990, où il met en scène et enseigne le théâtre. Lire la suite 

Vos impressions sur le film

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