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Close Jeudi 8 Décembre 20h30
« Close » de Lukas Dhont : un sujet rare évoqué en finesse et poésie

Bande Annonce
Synopsis et détails
Léo et Rémi, 13 ans, sont amis depuis toujours. Jusqu'à ce qu'un événement impensable les sépare. Léo se rapproche alors de Sophie, la mère de Rémi, pour essayer de comprendre…
Critiques

Léo et Rémi, 13 ans, sont amis depuis toujours. Jusqu’à ce qu’un événement impensable les sépare. Léo se rapproche alors de Sophie, la mère de Rémi, pour essayer de comprendre… Le film aura divisé notre rédaction.
Deux garçons de treize ans, l’un blond (Léo), l’autre brun (Rémi), complices et en joie, courent à travers champs emplis de fleurs aux couleurs vives, sous un ciel azur et un soleil écrasant d’été. L’introduction de Close de Lukas Dhont, aussi candide soit-elle, témoigne d’une amitié enfiévrée, intemporelle, d’un bonheur furtif au travers de moments simples au naturel confondant. Elle emporte l’adhésion instantanée d’une partie des spectateurs, mais fige l’autre, plus méfiante, un peu suspicieuse, circonspecte devant tant d’esthétisme empirique. La nuit, Léo a une imagination débordante : il invente des histoires extraordinaires qu’il chuchote à Rémi tandis qu’ils sont blottis l’un contre l’autre dans un même lit. Ce sont deux corps d’adolescents, filiformes, frêles et malhabiles. Léo et Rémi ont un profil entre deux eaux, mi-enfants, mi-adultes ; ensemble, ils sont inséparables. Les mères ne sont jamais très loin. Protectrices, elles veillent en alternance. Elles font partie intégrante de cet univers éminemment sensualiste. La maman de Rémi, Sophie (Émilie Dequenne) est, par exemple, couchée dans l’herbe, sa tête repose sur le ventre de son fils tandis que Léo s’allonge délicatement près d’eux. Ils se tancent, badinent, toujours avec affection. Dans cette dimension de la part instinctive des personnages, le peu de mots échangés, les mimiques, les gestes témoignent d’attachement, de gentillesse, de tendresse. C’est la fin de l’été. Puis, l’heure de l’école résonne. Par chance, Léo et Rémi sont dans la même classe. C’est pourtant ici que tout déraille. La faute à de petits grains de sable – à l’image du beau Grains de sable de Ryōsuke Hashiguchi sur le même sujet – en liens directs avec le regard des autres.
La force de Close de Lukas Dhont consiste à se tenir droit dans ses bottes, sans faille, sans états d’âme dans la représentation de ces micro-événements, ces méchancetés aussi cruelles qu’ordinaires de la vie scolaire, qui abîment tant jusqu’à tatouer l’âme des plus sensibles. Le persiflage, la raillerie, les interrogatoires sont de mise pour pointer du doigt l’image d’innocence radieuse de Rémi et Léo, deux garçons qui s’aiment. Et malheureusement, Léo en est totalement déstabilisé. Les situations d’échec récurrentes et de honte le poussent à abandonner Rémi… À ce stade, on pourrait croire le sujet éculé, rebattu tel un énième combat « contre l’homophobie » à l’école porté en bandoulière par Lukas Dhont, jeune réalisateur belge de trente-cinq ans, qui, après Girl (2008), surferait sur des thématiques à la mode. Il n’en est rien. La grande force de Close réside fondamentalement dans cette intention incessante de filmer la tendresse, la faire voir, la faire entendre. Car il s’agit d’une musique, d’une tonalité, le fruit un casting parfait et d’une méthode de direction d’acteurs aux résultats palpitants. Ayant lu notamment les recherches d’une psychologue américaine enregistrant le témoignage de cent garçons entre 13 et 18 ans sur leurs amitiés d’enfance, Lukas Dhont en a retenu que tous parlaient en des termes quasi amoureux, telle une parenthèse enchantée, ne cachant rien à leur ami de leurs émotions ou de leurs secrets. De même, c’est en entrant dans le monde scolaire qu’ils perdaient un pan de leur langage émotionnel au profit d’une masculinité formatée. En ce sens, Léo (Eden Dambrine, étonnant et si juste) fait ce cheminement, de la pureté au conformisme (dont le hockey sur glace est la figure emblématique de virilité) avant de se retrouver meurtri, acculé, impuissant, rongé par la culpabilité. Son image tremblante portant à bout de bras une branche d’arbre dans une séquence capitale de Close restera dans les annales. De la même manière, si les pères sont souvent absents de ce récit, la scène de celui de Rémi s’effondrant à table vous cueille irrémédiablement. Le mérite de l’émotion revient beaucoup à Léa Drucker et Émilie Dequenne, actrices divines, qui, chahutées ici par la véracité impeccable des mômes qu’elles encadrent, apparaissent plus vivifiées encore. Enfin persiste le souvenir lancinant du visage juvénile de Gustav De Waele (Rémi), dont la beauté innocente et rêveuse s’accorde admirablement au scénario, tant elle nous manque dès qu’elle n’est plus à l’écran. Lukas Dhont a ainsi magistralement réussi son pari : filmer la vie avec une grâce infinie.

Cantique des mutiques
Dans Girl, Lukas Dhont approchait déjà sa caméra du mystère adolescent : avec une certaine pudeur, il avouait, dans les silences et les approches prudentes, l’incapacité à formuler clairement les élans d’un individu, tout en l’accompagnant avec bienveillance et fascination. Le principe sera le même dans Close, qui reprend, dans son titre même, le lien qui unit deux amis de 13 ans, et la façon dont le cinéaste va les suivre.
Un long temps sera donc accordé à cette complicité innocente qui caractérise l’enfance, qui brille ici, sans qu’ils s’en aperçoivent d’abord, de ses derniers feux. Des jeux aux bagarres, de la chambre partagée aux trajets à vélo, le duo se caractérise par une spontanéité constante qui ressemble à une journée de vacances, sans entraves et au principe de plaisir, accompagnée par deux familles baignées par la même insouciance.
Le retour dans la collectivité constitue le premier pas vers une prise de conscience : la fusion des deux amis pose question, sans que cela mène pour autant à une stigmatisation. Il s’agit, néanmoins, de définir ce qui n’avait pas eu besoin de l’être, et d’opter pour un choix identitaire. Ce pas infranchissable conduit à une distanciation qui va nourrir toute la suite du récit.
Léo, rivé derrière les grilles de son casque de hockey, prend donc le parti de délimiter une ligne claire, dans une phase cruelle qui le sépare d’un ami démuni. Les silences, qui irradiaient de complicité, sont désormais des coups de poignard. Car dans ce drame poignant, la catharsis reste toujours hors-champ : la disparition de Rémi est un gouffre qui propulse Léo sur le devant de la scène. On attend de lui une réaction, on exige une extériorisation qui ne vient pas, et qui ne serait de toute façon pas fidèle à ce qu’il ressent réellement. Close s’attache à cette immatérialité de la perte : ce fardeau trop lourd pour un enfant, cet impensable pour une mère, et la manière dont ils vont devoir cheminer sous un poids qui les mine. La relation qui s’établit progressivement avec la mère de Rémi (Emilie Dequenne, absolument fantastique), nourrie de non-dits, prolonge autant une tendresse perdue qu’elle tente de poser des mots sur l’indicible.
Cette quasi-absence de récit prend donc le pouls d’un parcours mutique. Si Dhont ne renonce pas à certaines facilités (un abus de musique, quelques filtres Insta pour des courses dans les champs de fleurs), son approche garde toujours la juste distance, comme un aveu d’impuissance face au drame et l’impossibilité d’y faire succéder un élément narratif de résolution. En contemplant sur les visages la souffrance d’êtres dévorés par des questions insolubles, ce silence se fait la chambre d’écho de véritables tempêtes émotionnelles.
Écrit par Sergent_Peppe

Critique : C’est le second long métrage de Lukas Dhont, qui avait connu un succès critique et public avec Girl, couronné de prix dont la Caméra d’or, la Queer Palm et le prix FIPRESCI. Après ce récit fort d’un ado transgenre, le réalisateur belge explore à nouveau les affres de la jeunesse, donnant à son histoire une tonalité semi-autobiographique. Léo et Rémi, les deux protagonistes, sont à la frontière de l’enfance et de l’adolescence. Ils sont très proches et leur amitié les rend complices à l’école (ils sont dans la même classe) comme pendant leurs temps de loisirs. Ils vivent en harmonie avec des parents aimants et nouent des relations positives avec les autres pré-adolescents qu’ils côtoient. D’où vient alors le trouble qui semble parfois les contrarier et pourquoi de temps en temps se rejettent-ils alors qu’ils s’apprécient considérablement et se montrent presque aussi fusionnels que des frères jumeaux ? Le cinéaste a déclaré dans le dossier de presse : « Je voulais faire un film qui soit un hommage à des amis que j’ai perdus, par ma faute car je prenais mes distances et j’avais l’impression de les trahir. Je l’ai fait dans un état de confusion, pensant que c’était la meilleure chose à faire. Je voulais aussi parler de la perte d’un être cher et de l’importance du temps passé avec celles et ceux que l’on aime. Tout s’est écrit autour de cette intimité rompue et du sentiment de responsabilité ou de culpabilité. C’est en quelque sorte le début du chemin vers l’adolescence. Je voulais vraiment parler de ce poids éprouvé quand on se sent responsable mais qu’on ne peut pas en parler ».
Le résultat est remarquable. Non seulement Lukas Dhont évite tous les pièges que son sujet lui tendait (sentimentalisme, joliesse, clichés sur le départ de l’enfance) mais il en fait une œuvre forte. Coécrit avec Angelo Tijssens, le scénario trouve un équilibre entre le non-dit et l’analyse psychologique, laissant le spectateur dénouer les liens des ambiguïtés psychologiques, jusqu’à un dénouement poignant qui pourra faire écho à celui de Rosetta, et pas seulement en raison de la présence d’Émilie Dequenne. La force émotionnelle du film n’est pas due uniquement à ses qualités d’écriture mais aussi à une mise en scène sobre et limpide, aussi bien pour les scènes d’intérieur (le repas avec les deux familles, les répétitions de hockey) que pour celles utilisant le décor rural naturel.
L’équipe technique et artistique du film, qui est la même que celle de Girl, a effectué un travail formidable. C’est le cas de celui du directeur de la photo Frank van den Eeden qui joue admirablement sur les couleurs saisonnières. Notre seul bémol a trait au recours à une musique un peu trop envahissante et redondante, un procédé qui peut aussi s’interpréter comme un hommage aux grands mélodrames du genre, signés Sirk ou Minnelli. Le casting est quant à lui stupéfiant, à commencer par les jeunes Éden Dambrine (Léo), Gustav de Waele (Rémi) et Igor Van Dessel (le grand frère Charlie, personnage secondaire mais emblématique). Ils sont entourés par les prodigieuses Émilie Dequenne et Léa Drucker qui incarnent deux touchantes figures maternelles. Close confirme donc le grand talent de Lukas Dhont qui semble bâtir une œuvre cinématographique toute de grâce et de subtilité, tout en étant cohérente.

Léo et Rémi sont inséparables. Leur entrée au collège va s'accompagner d'une remise en question, par leurs camarades de classe, de la nature de leur lien. Et compromettre leur amitié fusionnelle... Un drame alourdi par la délicatesse de sa démarche, jusqu'au malaise.
Il est des films qui ne nous emballent pas vraiment, sans pour autant qu'on les rejette. Des films qui pourraient laisser tiède, si le contenu n'était si brûlant. Et qui donc finissent par poser question. Pourquoi ne pas être plus touché que ça par la délicatesse de ce cinéaste débutant et déjà reconnu? Par sa capacité à filmer l'émotion, à suggérer, à être dans la retenue là où il serait si tentant, et si risqué, de montrer en force? Après quelques jours de réflexion, voici quelques éléments de réponse. Ce qui n'est pas facile tant le film est bâti sur un moment de rupture qu'il est plus que difficile de ne pas spoiler. Et c'est peut-être la première critique : Close semble tant construit autour de cette bascule que celle-ci finit par être un enjeu émotionnel envahissant, faisant ressortir l'aspect scolaire du scénario et empêchant la deuxième partie du film de s'ouvrir vers autre chose, de suivre les pistes empruntées jusqu'alors. La répétition de scènes champêtres et sportives signe l’échec de la narration.
Perceptible dans Girl, son premier film déjà tout en sensibilité, la veine sulpicienne de Dhont se confirme avec ce pré-teen movie. Comme si ses thématiques autour de la différence et de l'exclusion semblaient vouées à être abordées sous l'angle le plus dramatique qui soit, ses héros embarqués jusqu'à un extrême qui, parce qu'il est si peu contextualisé, et dans ce cas-ci totalement asséné, passerait pour une conséquence logique. Car le sujet dont il est finalement question, et autour duquel tourne Dhont en permanence, est tellement associé à la masculinité sociétale toxique qu'il veut dénoncer que celle-ci devient l'alpha et l'omega du vécu de Léo comme de Rémi, la cause unique du désespoir de l'un et de la culpabilité de l'autre. C'est oublier la dimension multifactorielle, la complexité voire le mystère de ces processus psychiques.
Dhont est souvent comparé à Xavier Dolan, probablement de par sa précocité ainsi que de par le langage avant tout émotionnel de son cinéma. Pourtant, les films du canadien sont autant bavards, souvent jusqu'à la saturation, que ceux du jeune flamand fonctionnent, sur ce plan, à l'économie. Le silence fait plus qu'occuper l'espace, il le remplit jusqu'à en être un élément essentiel, et réducteur. Ceci ajoute au caractère sacré de la deuxième part de l'oeuvre, à la fois tabou et empesé. Mais cela devient gênant tant il semble épouser, presque illustrer, la vague à l'oeuvre dans les courants psychothérapiques actuels. Où il s'agirait, même lors des drames les plus profonds, de se désencombrer de la parole, cet accessoire. Où l'évolution voire la guérison passeraient avant tout par la confrontation à l'émotion.
Ainsi, dans l'une des scènes du film, une séance de debriefing invite chaque enfant à exposer son ressenti sans que jamais celui-ci ne soit accompagné ou même repris par la parole de l'adulte, donnant l'impression que chacun est laissé à la merci de son vécu. Mais, surtout, la dernière scène accrédite l'idée qu'un moment cathartique, totalement silencieux, ne passant que par la communion émotionnelle entre deux êtres, dont on ne saura rien puisque rien n'est jamais dit ni discuté, suffirait à résoudre un traumatisme et à reprendre le chemin de sa vie. Cela ajoute à la gêne de voir simplifiée et caricaturée, par deux fois, la psychopathologie.
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Cette chronique d’une intense amitié adolescente mise à mal par les clichés de genre vire au mélo appuyé.
Le joli est-il l’ennemi du beau ? Vous avez une heure quarante-cinq, soit la durée de Close, deuxième long métrage de Lukas Dhont, 30 ans, récompensé par un Grand Prix au dernier Festival de Cannes (ex-aequo avec Stars at Noon, de Claire Denis). Après Girl, portrait d’une jeune fille en transition, Caméra d’or en 2018, le Belge confirme son goût pour les titres réduits à l’essentiel (une syllabe, un programme) et la douceur qui trompe son monde, façon loup déguisé en mère-grand – c’est pour mieux te faire pleurer, mon enfant.
Dans sa première partie, la plus réussie, Close (« proche », en français) chronique le meurtre à bas bruit, ordinairement homophobe, d’une amitié idéale. Presque frères, Léo (Eden Dambrine) et Rémi (Gustav De Waele), 13 ans, partagent tout, batailles imaginaires et épées de bois, admiration réciproque, courses folles dans les champs de fleurs aux couleurs divines, chuchotis rieurs sur l’oreiller. L’amour ? Un jour peut-être, ou peut-être pas, ce n’est pas dit, ce n’est pas la question.
Leur arrivée en sixième signe l’avis d’expulsion du paradis : deux gars qui se tiennent la main dans la cour de récré, ça fait « pédales », merci d’adopter les codes genrés appliqués par la majorité. Même si c’est parfois formulé sans malveillance (« Vous êtes ensemble ? », interroge simplement une collégienne dans une scène formidable), Léo, gêné, obtempère illico, intègre l’équipe de hockey sur glace, activité virile s’il en est, et s’éloigne progressivement de Rémi.
Derrière son festival de rayons de soleil sur ravissants marmots, Close convainc tant qu’il s’en tient à une autopsie de la tendresse masculine en milieu scolaire. Nettement moins lorsqu’il bascule dans la tragédie et abandonne Léo à la solitude, au remords et à un unique et répétitif principe de mise en scène, entièrement centré sur les activités physiques du gamin – travail aux champs et sport, ad libitum, se faire mal pour oublier l’autre douleur.
S’il montre l’ambition louable de s’en remettre aux images plutôt qu’à des dialogues explicatifs, Lukas Dhont n’échappe pas à la lourdeur symbolique – un poignet cassé, puis réparé, en devient par exemple sursignifiant. Il délaye son mélo photogénique, fasciné par la souffrance muette de son jeune héros, dont il scrute le visage et souligne chaque regard jusqu’à la dernière seconde. Pour dévier un peu de l’itinéraire balisé, il faut s’en remettre aux actrices, Léa Drucker, et, surtout la bouleversante Émilie Dequenne, qui ne laisseront personne les yeux secs.
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Fiche technique
Un film réalisé par Lukas Dhont
Scénario : Lukas Dhont et Angelo Tijssens
Production : Michiel Dhont et Dirk Impens
Coproduction : Diaphana Films, Topkapi Films et Versus Production
Distribution : Diaphana