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FLEE Jeudi 13 Octobre 20h30
Flee a été salué par les festivals de cinéma et les critiques, notamment concernant l'animation, le récit, les thématiques, et la représentation de la communauté LGBT. Le documentaire intègre également des séquences d'archives sur les événements survenus en Afghanistan à l'époque où Amin s'est enfui.
Le film a été nommé aux Oscars comme candidat danois pour le prix du meilleur long métrage international, ainsi que dans les catégories du meilleur documentaire et du meilleur film d'animation, devenant ainsi le premier film à être nommé dans les trois catégories principales simultanément.
Bande Annonce
Synopsis et détails
Pour la première fois, Amin, 36 ans, un jeune réfugié afghan homosexuel, accepte de raconter son histoire. Allongé les yeux clos sur une table recouverte d’un tissu oriental, il replonge dans son passé, entre innocence lumineuse de son enfance à Kaboul dans les années 1980 et traumatismes de la fuite de sa famille pendant la guerre civile, avant la prise du pouvoir par les talibans. Après des années de clandestinité en Russie, Amin – un pseudonyme – arrive seul à 16 ans au Danemark, où il rencontre le réalisateur qui devient son ami. Au fil de son récit et des douleurs enfouies, l’émotion resurgit. Aujourd’hui universitaire brillant installé avec son compagnon danois Kasper, le jeune homme confie un secret qu'il cachait depuis vingt ans.


Critiques


L’histoire vraie du périple d’un jeune Afghan en dessins complétés d’images d’archives. Un très beau récit d’accomplissement face à une terrible adversité. Après sa diffusion sur Arte, “Flee” sort désormais en salles. Le réalisateur Jonas Poher Rasmussen raconte la genèse de son film.
Appelez-le Amin. On ne connaîtra pas son vrai nom, ni les traits de son visage, dissimulés sous le masque du dessin. Et pourtant, c’est toute sa vie qui se révèle à nous dans Flee, le très beau documentaire d’animation de Jonas Poher Rasmussen. Itinéraire d’un réfugié afghan, de son enfance à Kaboul à sa fuite éperdue à travers l’Europe, le Danemark via Moscou, le déracinement, l’errance et la peur. Son histoire, Amin, aujourd’hui presque quadragénaire, la raconte pour la première fois, après des années de secrets — au pluriel. Il aura pour cela fallu toute la force et la confiance du lien qu’il partage avec le réalisateur. Ce film d’une humanité rare vient en effet « de très loin », comme dit Jonas Poher Rasmussen.
Pour lui, Amin n’est pas un « sujet » comme un autre. C’est l’un de ses plus vieux amis, jadis rencontré dans le bus scolaire qui les amenait tous deux au lycée de la bourgade danoise où ils habitaient. « J’avais 15 ans, et Amin 16. Il vivait dans un foyer d’accueil du voisinage, et c’est à peu près tout ce qu’on savait. Bien sûr, des rumeurs circulaient : on disait que toute sa famille avait été massacrée, qu’il avait voyagé seul, à pied, jusqu’au Danemark. Lui, il ne disait rien. Pendant longtemps, son passé est resté un mystère. Une boîte noire. »
Comme une psychothérapie
Il y a une quinzaine d’années, le réalisateur, qui travaillait alors pour une grande station de radio nationale, tentait une première fois de convaincre son ancien camarade d’accepter une série d’interviews au long cours. « Il savait qu’il aurait un jour besoin de partager son histoire, de réconcilier le passé et le présent, mais il ne se sentait pas prêt. Il a refusé. »
Réconcilier l’homme qu’il est devenu (« un brillant universitaire ») avec l’adolescent perdu, arraché aux siens, auquel les passeurs ont imposé un mensonge cynique : prétendre être seul au monde, renier mère, frères et sœurs pour obtenir l’asile. Réconcilier, aussi, l’adulte gay avec le gamin élevé dans une culture violemment homophobe. « Pendant trop longtemps, il a dû se cacher, d’une manière ou d’une autre. »
Il faudra encore bien des saisons et des hésitations avant que le déclic se produise. « J’ai participé à un atelier d’animation intitulé Anidocs, qui met en relation des animateurs et des réalisateurs de documentaires, se souvient Jonas Poher Rasmussen. J’ai tout de suite pensé à Amin, et à la manière dont cet art pourrait lui permettre à la fois de se protéger et de se raconter, à l’abri de l’anonymat. Et j’ai enfin réussi à le convaincre. »
Commence une longue phase d’entretiens et d’écriture. Comme on le voit dans Flee, Amin a alors coutume de s’allonger sur le tapis du salon de son ami cinéaste, les yeux fermés, pour faire ressurgir son passé, comme en psychothérapie. « C’est une technique que j’ai expérimentée quand je faisais de la radio : quand vous n’avez pas d’images, vous avez besoin d’une parole très descriptive. Par exemple, je lui demandais à quoi ressemblait en détail le jardin de son enfance à Kaboul : les plantes, les parfums… Ce récit imagé a beaucoup servi aux animateurs, et, pour Amin, c’était une manière de revivre les choses au présent. »
“Je craignais qu’avec l’animation seule les gens gardent une distance trop confortable avec l’histoire. Les archives, c’est une manière de leur rappeler que tout est vrai. Que c’est arrivé.”
Pour évoquer les moments les plus durs, mettre en scène les spasmes de la mémoire, Jonas Poher Rasmussen joue avec l’esthétique de l’animation, passant alors d’un dessin classique à des formes plus abstraites, sombres et tremblantes : « Quand il évoquait ses traumas, il ralentissait, il perdait un peu ses mots… Soudain il ne s’agissait plus de montrer ce qui s’était vraiment passé, mais de restituer une émotion. La terreur, la tristesse, la colère… L’animation est un outil merveilleux pour y parvenir. »
Enfin cesser de fuir
Cette puissance d’évocation, le cinéaste a choisi de la compléter avec des images d’archives en prises de vue réelles, « pour que les spectateurs puissent relier le destin individuel d’Amin à l’histoire du monde : pourquoi il a fui avec sa famille lorsqu’à la fin des années 1980 les Russes se sont retirés d’Afghanistan, en laissant le champ libre aux moudjahidin, puis aux talibans. Comment il a débarqué à Moscou dans les ruines toutes récentes de l’URSS, avec ses pénuries alimentaires et sa corruption généralisée. On a cherché des documents visuels de tous les côtés : par exemple, pour l’épisode où la sœur d’Amin a failli mourir dans un container en tentant de quitter la Russie, on a retrouvé des extraits de journaux télévisés. Je craignais qu’avec l’animation seule les gens gardent une distance trop confortable avec l’histoire. Les archives, c’est une manière de leur rappeler que tout est vrai. Que c’est arrivé ».
En anglais, flee signifie « fuir ». Grâce au film, Amin a enfin cessé de fuir. Il a renoué les fils de sa vie. « Son expérience l’a marqué pour toujours, mais, aujourd’hui, il n’est plus un “réfugié”. C’est un être humain complexe et complet, un intellectuel, un gay dont le désir s’est éveillé devant les films de Jean-Claude Van Damme, un mari, un amoureux des chats… Toutes ces choses le définissent, et c’est vrai pour les millions de réfugiés à travers le monde. Flee est une histoire universelle, qui parle de l’humanité de ceux qu’on regarde trop souvent comme une masse indistincte. Et qui rappelle la nécessité de trouver un endroit où l’on peut être soi-même. »

L’AVIS DU « MONDE » – CHEF-D’ŒUVRE
Parfois il est difficile d’aller à l’essentiel avec ses amis. Il y a la crainte d’être maladroit, de réveiller des violences secrètes, de pleurer sur ses gâchis… Il a fallu plus de vingt ans pour que le cinéaste danois Jonas Poher Rasmussen demande à son ami de lycée comment il était arrivé au Danemark, à l’âge de 15 ans, dans les années 1990. Se sont ensuivis une douzaine d’entretiens dans lesquels Amin raconte tout de la mort qu’il a frôlée depuis la disparition de son père, dissident à Kaboul, arrêté par les forces moudjahidine en 1989. Et puis, la décision de sa famille de quitter la capitale, leur exil à Moscou avec un visa touristique, l’attente des papiers d’immigration, la police corrompue, les tentatives désespérées de faire passer ses frères et sœurs au compte-gouttes en Europe…
Inspiré par le film israélien Valse avec Bachir (2008), d’Ari Folman, nourri de témoignages d’anciens soldats de la guerre du Liban en 1982, Jonas Poher Rasmussen a choisi la forme du documentaire d’animation pour préserver l’anonymat de son ami tout en montrant le visage d’un homme dont la parole se libère pour la première fois. Comme dans la vie, la découverte de la vérité ne s’effectue pas d’un coup. Elle se fait par des réflexions, des hésitations, des émotions qu’on voit passer comme des ombres dans les yeux de l’interviewé, allongé sur une couverture afghane. Ce plan récurrent, visage d’aujourd’hui sur motif d’hier, raconte dans cette métaphore admirable de simplicité la vie à double foyer d’Amin, qui porte encore les traumatismes de son enfance alors qu’il est devenu professeur à la faculté et vit dans un bel appartement avec son compagnon à Copenhague.
Trajectoire sensible
Fidèle à la trajectoire sensible du récit de son ami, Rasmussen réussit, dans une complexité qui se dérobe subtilement à notre regard, à ajouter au souvenir des émotions de son copain celles procurées par ses souvenirs : la tendresse un peu moqueuse d’Amin sur ses premiers émois amoureux est figurée par les clins d’œil de Van Damme et des stars de Bollywood surgis des posters de sa chambre d’adolescent. Sa joie d’entendre intérieurement la pop danoise diffusée dans son Walkman rose quand il courait dans les rues de Kaboul donne lieu à une séquence de croquis au crayon rappelant le célèbre clip du groupe norvégien A-ha Take on Me.
Des extraits des journaux télévisés de l’époque rappellent à intervalles réguliers la réalité derrière le dessin satirique
Ces souvenirs tranchent avec le cynisme des épisodes plus noirs de son odyssée dont on dévoilera ici l’un des plus graphiques : des dizaines de réfugiés traversent la mer Baltique à bord d’un rafiot qui prend l’eau. Contre la mort qui semble toute proche, surgit une lueur d’espoir. Un navire de croisière grand comme trois barres d’immeubles arrive à leur hauteur. Sauvés ? Clic-clac. Les touristes agglutinés sur le premier pont prennent en photo les exilés tandis qu’un haut-parleur annonce l’arrivée de la police. A cela s’ajoutent des extraits des journaux télévisés de l’époque qui rappellent à intervalles réguliers la réalité derrière le dessin satirique.
Le plus frappant dans ce prodigieux documentaire d’animation, trois fois nommé aux Oscars en mars et passé au printemps sur Arte, ce sont les images glissantes au fusain comme tracées dans du mazout. Quand les souvenirs sont trop lourds, l’animation se met à trembler, les contours deviennent fuyants, tels des fantômes impossibles à retenir. Le récit est net, la voix claire et sans heurt mais les silhouettes se dissipent, tentent d’éluder le propos, reculent pour revenir et finissent par se réfugier dans les mots. On a rarement l’occasion d’assister à un dialogue aussi intime que celui d’Amin et Jonas, qui touche tous les sens. Il faut savoir profiter des cadeaux que le cinéma nous offre, surtout quand ils sont merveilleux de précision, d’inventivité et de pudeur comme celui-ci.

Célébré comme documentaire et comme film d’animation, ce long-métrage danois est un réjouissant objet hybride. Une découverte emballante sur un parcours humain bouleversant.
Labellisé Festival de Cannes 2020, Grand Prix à Sundance et à Annecy, récompensé par deux European Film Awards, et nommé à trois Oscars en 2022 – une première : film étranger, film d’animation et film documentaire -, Flee cumule d’innombrables honneurs internationaux. Un sacré parcours pour le premier long-métrage à sortir en salle signé Jonas Poher Rasmussen. C’est une œuvre née d’une amitié de plus de vingt ans, entre ce dernier et le héros renommé Amin, dont le premier a voulu enregistrer et partager le récit de vie. C’est un documentaire d’animation, alors que le cinéaste n’était pas familier de cette technique. La réalité du protagoniste a dicté la forme, car celui-ci ne voulait pas apparaître directement à l’image, ni nommer certains personnages. Habitué des témoignages radiophoniques, le réalisateur a appliqué le principe de l’enregistrement sonore à une recréation par le dessin, le tout supervisé par un directeur de l’animation (Kenneth Ladekjaer) et par un directeur artistique (Jess Nicholls).
L’harmonie du résultat ravit, tant par la portée humaine de ce périple existentiel que par l’accomplissement esthétique, au graphisme moderne et atemporel à la fois. L’équilibre entre les traits précis, les teintes subtiles et les jeux d’ombres et de lumières fonctionne au poil. La confession à la première personne d’Amin, réfugié parti d’Afghanistan en famille et en pleine jeunesse, passé par Moscou, et atterri au Danemark, est bouleversante. Elle se double d’une méticuleuse reconstitution à l’image, au son et au montage. L’incursion d’archives en prises de vues réelles documente l’intrigue et précise le contexte de la trajectoire épique d’Amin, crédité comme coscénariste du film. Tout prend sa source en lui. Ce gamin afghan, dont le père a disparu à l’arrivée des Talibans, a dû avaler de nombreuses couleuvres tout en vivant l’exil, et a dû museler son homosexualité avant de pouvoir s’autoriser à la vivre. Par les mots, le protagoniste reconnecte son présent avec son passé. Pour la première fois aussi, il se raconte.
Cette reconquête de soi touche à l’universel, et l’animation n’est en rien un frein à l’empathie. Elle a séduit les comédiens vedettes Riz Ahmed (Sound of Metal) et Nikolaj Coster-Waldau (Game of Thrones), qui ont décidé de soutenir le film et ses producteurs. Œuvre cousine de Parvana, une enfance en Afghanistan de Nora Twomey et de Persepolis de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud, et plus encore de Valse avec Bashir d’Ari Folman, à laquelle Rasmussen se réfère volontiers, Flee dégage sa force de son authenticité, dénuée de complaisance. Amin ne se considère ni comme un héros ni comme une victime, et balade aujourd’hui son bâton de pèlerin en tant que conférencier. Le cinéaste célèbre un chemin unique avec un regard bienveillant. De cette riche collaboration émerge un puzzle passionnant sur le chemin d’un homme, rythmé par des titres pops et sans frontières. Amin est un roseau résilient, qui peut aujourd’hui arrêter le cycle redondant de la fuite.
Fiche technique
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Réalisateur : Jonas Poher Rasmussen
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Acteurs : Kyan Khojandi, Damien Bonnard
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Genre : Documentaire, Animation, LGBTQI+
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Nationalité : Espagnol, Français, Suédois, Italien, Danois, Slovène, Finlandais, Estonien, Zambien
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Distributeur : Haut et Court
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Durée : 1h23mn
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VOD : Arte
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Date télé : 30 mai 2022 20:50
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Chaîne : Arte
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Reprise: 31 août 2022
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Titre original : Flugt
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Date de sortie : 23 mai 2022
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Festival : Festival de Cannes 2020, Festival d’Annecy 2021, Festival de Sundance 2021

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