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Les Banshees d'Inisherin                           Jeudi 2 Février 20h30
                                                                         

Synopsis et détails

Sur Inisherin - une île isolée au large de la côte ouest de l'Irlande - deux compères de toujours, Padraic et Colm, se retrouvent dans une impasse lorsque Colm décide du jour au lendemain de mettre fin à leur amitié. Abasourdi, Padraic n'accepte pas la situation et tente par tous les moyens de recoller les morceaux, avec le soutien de sa soeur Siobhan et de Dominic, un jeune insulaire un peu dérangé. Mais les efforts répétés de Padraic ne font que renforcer la détermination de son ancien ami et lorsque Colm finit par poser un ultimatum désespéré, les événements s'enveniment et vont avoir de terribles conséquences.

Bande Annonce

Critiques

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Le film présenté par Jérôme Garcin

Un grand film sur une histoire d'amitié du cinéaste et dramaturge irlandais Martin McDonagh à qui on doit "Bons baisers de Bruges" avec déjà Colin Farrell et Brendan Gleeson. Ça pourrait être du Beckett. Sur une île isolée de la mer d'Irlande, deux amis de toujours, Pádraic (Colin Farrell) et Colm (Brendan Gleeson) refont le monde en buvant de la Guiness. On est en 1920, la guerre civile fait rage en Irlande et puis un jour, Colm qui est musicien décide de rompre. "Je crois que je ne t'aime plus", dit-il à Pádraic, lequel refuse le verdict et va tenter de recoller les morceaux avec l'aide de sa sœur et d'un jeune insulaire un peu dérangé. Mais c'est en vain. Et plus l'un s'obstine, plus l'autre se cabre, se mutile les doigts les uns après les autres. Il dit MacDonald avoir pris pour modèle "La Nuit du chasseur" et puis les westerns de John Ford, version celtique.

Pierre Murat salue "un très grand film"

Pour le critique de Télérama c'est un film de très grande qualité, une merveille qui ne recule devant aucune exigence cinématographique : "Le film m'a fait penser d'ailleurs à "Pour un oui pour un non" de Nathalie Sarraute puisque là aussi tout part d'un mot et tout devient tragique. Ici, c'est un geste dont il s'agit, un "Je ne t'aime plus, je ne veux plus que tu m'adresse la parole". Il y a un type qui veut se consacrer à son art. C'est un peu dérisoire en même temps. Puis l'autre personnage qui est là pour boire des coups avec son pote. À Partir de là, le réalisateur a surtout le courage - dans un cinéma quand même quelquefois bien pensant - d'aller jusqu'au bout, ne reculant devant rien au point que ça devient de plus en plus tragique et absurde. Notons aussi la qualité du dialogue, la façon dont le dialogue est repris, dont les répliques reviennent, mais sans être tout à fait les mêmes. Sans oublier le rôle de la sœur d'un des personnages qui est absolument magnifique tant elle veut s'en sortir sans qu'on sache vraiment si elle va y arriver.

La seule petite et légère réserve serait la banshee en question, soit ce personnage de sorcière qui résonne un peu comme le destin certes mais qui est un peu lourd. Sinon c'est une vraie merveille".

Michel Ciment applaudit un très grand cinéaste

C'est un très très grand film dont la présence en pôle position pour les Oscars est, selon le journaliste de la revue Positif, tout à fait justifiée et méritée : "Rappelons que le jury de Venise lui a donné le prix du scénario, ce qui est très mérité parce qu'il ne faut pas oublier que le cinéaste Martin McDonagh est un auteur dramatique. De même que les comédiens, Colin Farrell, prix d'interprétation que Brendan Gleeson méritait tout autant. Ils représentent deux générations, avec cet homme plus âgé qui veut se consacrer à la musique, faisant preuve d'une certaine méchanceté, qui est un regard ironique dans le regard du metteur en scène.

Voilà l'arrivée d'un très grand cinéaste irlandais qui filme ici des paysages sublimement tournés, avec des références à John Ford, à "L'homme tranquille". C'est un très grand film, magnifique".

Pour Sophie Avon c'est "une épopée humaniste, métaphysique absolument somptueuse"

La journaliste pour Sud-Ouest a été totalement subjuguée par la beauté globale d'un film qu'elle résume en deux mots, absolument "dingue" et "magnifique" et "comment, avec un enjeu aussi simpliste, sinon de cour de récréation ("Je ne t'aime plus, je ne veux plus de voir") son réalisateur arrive à déployer un film aussi universel, solide, tragique, vaste ! D'autant qu'à mesure que les enjeux se complexifient, toute cette île - qui ne parle jamais de la guerre civile qui tonne en filigrane - agit en fond ainsi que cette communauté endogame complètement endormie qui progressivement se réveille, se révèle et se fissure. Alors soudain les gens deviennent de plus en plus intelligents. Pádraic, qui a un cœur d'une innocence incroyable, tient un discours sensationnel à un moment donné face à Colm, puis tout à coup il est question de Mozart, de choses métaphysiques, de transmission, de création. Ce film, on ne sait pas comment, part de rien et enfante une épopée humaniste, métaphysique absolument somptueuse. C'est dingue !"

Pour Xavier Leherpeur, "c'est un des plus grands films de l'année"

C'est vraiment un des plus grands films en termes de mise en scène et de scénario de cette année selon Xavier, qui est d'autant plus ravi que le réalisateur parvient progressivement à se dépouiller de plus en plus des éléments qui pouvaient autrefois laisser à désirer et gâcher la construction de ses films : "Déjà "Bruges", c'était très travaillé, très dialogué, mais là il y a un dépouillement qui va parfaitement au personnage, à la situation, ce sont des taiseux, au pire des musiciens, mais la parole n'est pas la leur, même quand ils boivent des coups ensemble. Il y a cette espèce de culture du silence qui va devenir une espèce d'enjeu à l'intérieur du film parce que le silence, le personnage va le garder, ce qui crée un suspense métaphysique et spirituel sur lequel se fonde le film.

C'est remarquablement écrit et interprété. Sans oublier le personnage de la sœur (Kerry Condon) qui est un personnage formidable, ce petit personnage freluquet aussi interprété par (Barry Keoghan) fragile, fils d'un policier abusif et qui raconte aussi sa propre histoire de manière tragique.

Il n'y a pas de finalité ou de résolution, il y a une amplitude, une ampleur, une universalité dans le sujet tel qu'il faut absolument que vous y alliez".

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La grâce des Banshees of Inisherin de Martin McDonagh procure l’envoûtement.

Le cinéaste de Three Billboards Outside Ebbing, Missouri, inspiré par la mystérieuse terre d’Irlande, nous a offert le meilleur film de 2022 avec cette oeuvre cruelle et sublime. Tout, des paysages somptueux aux cadrages parfaits, en passant par le scénario pétri de couches de sens, se marie avec souplesse dans l’humour noir et la tragédie. Les formidables jeux d’acteurs de Colin Farrell et de Brendan Gleeson illuminent ce film sur la solitude, le destin aveugle et l’amitié brisée.

Il y a un siècle, après les spasmes de la guerre civile, dans cette île battue par les vents où chacun connaît les secrets des autres, la rupture brutale et absurde du lien affectif des deux hommes, jadis inséparables, nourrit la chronique locale. Mais un jeu de massacre pousse ces frères bientôt ennemis vers l’abîme. Les voix et les violons des ballades irlandaises, les atmosphères de superstitions et de décrets religieux s’offrent des résonances quasi shakespeariennes lourdes de tristesse et d’espoirs avortés. Les personnages secondaires hantés qui entourent le duo de tête enrichissent la trame : Barry Keoghan en simplet du village, entre rêves amoureux et traumatismes, comme Kerry Condon, en femme qui comprend bien des choses et encaisse, mais finira par s’affranchir.

En mêlant les genres avec un aplomb d’enfer, invitant à sa table l’émotion, le surréalisme, la production d’horreur et le film d’époque, McDonagh nous entraîne au royaume de l’allégorie tout en brossant un arrière-plan social avec une minutie admirable. Sommes-nous dans le conte ou la fable ? Cette histoire pleine de bruit, de fureur et de gouffres ouverts, aux images embrassant le chaleureux pub local, les logis étouffants et les falaises brumeuses, se met à l’ombre d’une légende nationale. Les banshees étaient, dit-on, des fées venues annoncer leur mort aux Irlandais. Ici, l’ombre noire d’une vieille sorcière, apparemment tirée des landes de Macbeth, tient lieu d’oracle féminin. Mais la psychologie masculine, pleine de pudeurs et de blocages, demeure au centre de cette oeuvre qui aborde le silence avec une rigueur stylistique et une profondeur de champ exceptionnelles. The Banshees of Inisherin prend le temps de distiller sa sève, comme les grands films à l’ancienne, dont celui-ci perpétue la tradition la mieux inspirée.

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Avec Bons baisers de Bruges et surtout 3 Billboards - Les panneaux de la vengeanceMartin McDonagh est peut-être devenu l’un des héritiers les plus évidents des frères Coen. En plus de façonner des comédies au ton grinçant et tragique, il capte comme peu de réalisateurs une bassesse de l’humanité, sans jamais sacrifier pour autant une tendresse nécessaire envers ses personnages. Porté par Colin Farrell et Brendan Gleeson (comme Bons baisers de Bruges), Les Banshees d'Inisherin confirme ce talent, tout en propulsant la carrière du cinéaste dans de nouveaux extrêmes.

ROBINSONNADE ET ENGUEULADE

Sur la côte ouest de l’Irlande, l’île isolée d’Inisherin arbore une forme de sublime serein, tandis que ses falaises épousent l’immensité d'une ligne d’horizon enveloppante. Les quelques personnes qui y vivent semblent d’autant plus précieuses au vu de leur rareté sur cette terre épurée. Pourtant, ce n’est pas ce que pense Colm (Brendan Gleeson, impérial), qui du jour au lendemain décide de ne plus adresser la parole à son ami de toujours, Pádraic (Colin Farrell, qui n'a pas volé son prix d'interprétation au festival de Venise 2022).  

Avec ce point de départ aussi simple que surprenant, Martin McDonagh ne fait pas que retrouver le duo d’acteurs de Bons baisers de Bruges. Il réitère, et pousse dans ses retranchements la logique de ses précédentes propositions, où l’espace de la ville (ou d’un village) matérialise toute une micro-société qu’il convient d’ausculter. Le réalisateur agit comme un scientifique, ou plutôt un sociologue, et le choix de développer ici une île fictive en fait un pur objet de cinéma, un chat de Schrödinger à la fois connecté et déconnecté du réel. 

 

Une amitié brisée, c'est quelqu'un qui te dit ne pas aimer la Guinness

 

Ce cocon métaphorique, McDonagh l’explicite volontiers par sa mise en scène, toute en surcadrages. Les corps des personnages s’enferment dans des encadrements de portes, de fenêtres et le long de routes entourées de barrières de pierre, à la manière d’un western qui signerait la fin de la Conquête de l’ouest. Alors que les travellings ne peuvent que suivre les déambulations de protagonistes n’ayant que l’église ou le pub du coin comme repères, Les Banshees d’Inisherin se construit visuellement sur une ironie mordante : l’avancée n’est que stagnation sur cet îlot déserté.

Et de western, il en est évidemment question dans la photographie éthérée de Ben Davis, et sur ces séries de champs-contrechamps où les dialogues ont la même valeur que des balles. Les regards lourds, inquiétants, et concernés de Gleeson et Farrell (ici en apothéose) sont au service d’un étonnant tempo comique et tragique, qui cherche en permanence la résistance de l’élastique en train d’être tiré.  

A vrai dire, on sent la volonté de Martin McDonagh de tester les limites du malaise instigué, tandis que l’absurdité de son concept ne cesse de prendre de l’ampleur. Toujours sur le fil, Les Banshees d’Inisherin nous fait croire qu’il avance à tâtons pour mieux nous perdre, alors qu’il sait pertinemment dans quelle direction il nous emmène. La vexation, la solitude et la cruauté de ses protagonistes ne peuvent qu’engendrer une escalade de la violence, interrogeant autant le besoin humain de vivre en société que l’influence terrible que cette même société peut avoir sur l’individu.

 

IL SUFFIRA D'UN SIGNE

De la sorte, McDonagh signe peut-être son film le plus abouti, marchant dans les traces de Samuel Beckett pour un crescendo fascinant, où la guerre entreprise par les personnages n’est que la version miniature, là encore encapsulée, de la guerre civile qu’on entend au lointain. La ligne claire de l’horizon et des chemins se pervertit, pour ne plus devenir qu’embranchements et cercles, choix cornéliens et répétitions.  

Si les films du cinéaste se sont toujours confrontés à une certaine idée de l’existentialisme, Les Banshees d’Inisherin transcende de la plus belle des manières cette obsession. En partant du principe que "l’existence précède l’essence", comment se définir face au vide d’un quotidien terne, surtout lorsqu’on est catalogué sans autre forme de procès comme “l’idiot du village” ? Voilà la terrible fatalité qui s’abat sur Pádraic, tandis que Colm ne se cherche plus qu’à travers la trace qu’il peut laisser sur ce monde, malgré le peu de temps qu'il lui reste.  

 

Ces deux êtres, esseulés et blessés jusqu’à un sens très littéral, ne sont finalement que les deux faces d’une même pièce qui s’ignorent. Et alors que leur confrontation prend une tournure de plus en plus sombre, on les voit chercher un sens, un signe dans cet espace clos de l’île. McDonagh a d’ailleurs l’intelligence de ne jamais trancher, et dissimule dans sa mise en scène une absence de déterminisme très sartrienne. Les symboles judéo-chrétiens s’opposent à un folklore païen, parce qu’il n’y a pas de morale claire derrière laquelle se réfugier.  

Pour autant, cette dimension très théorique du long-métrage est toujours contrebalancée par l’immédiateté des émotions que la caméra transmet. Sans jamais ricaner, McDonagh embrasse le grotesque et le risible, au point de nous toucher lors de moments aussi improbables qu’une demande en mariage maladroite (mention spéciale au jeu tout en délicatesse de Kerry Condon et Barry Keoghan). Le réalisateur de 3 Billboards prouve qu’il est un fin portraitiste de l’âme humaine et de ses tourments, et son dernier bijou, un bien beau dessin à l’encre noire.

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Parabole à peine cachée sur la Guerre Civile (qui faisait alors rage au loin), "Les Banshees d'Inisherin" est avant tout une comédie très noire, sur les mystères de l’amitié, les aspirations de chacun et l’incompréhension de l’attitude de l’autre, voire de son désir d’indépendance. Avec ce film, l’auteur du formidable "Bons baisers de Bruges", Martin McDonagh (également auteur de "3 Billboards", retrouve ici les deux interprètes principaux de ce film culte, Brendan Gleeson et Colin Farrell, mais aussi le chemin des remises de récompenses (Baftas, Golden Globes, Oscar…). La moisson a d’ailleurs déjà commencée au Festival de Venise, dont le film est reparti avec le Prix du meilleur scénario, mais aussi le Prix d’interprétation masculine, pour Colin Farrell.

Habitants d’une petite île au large de la côte ouest irlandaise, les personnages évoluent au coeur d’un paysage bucolique (prairies, petits murets de pierres, falaises…), mais tourmenté par les vents. Leur amitié soudainement disparue d’un côté, persistante de l’autre, devient l’enjeu des interactions entre les deux hommes, mais aussi leur entourage : la sœur de Padriac, Siobhan, désireuse de partir vivre sa vie ailleurs, et Dominic, une sorte de gentil idiot du village. Récit d’abandon qui résonne comme une plaisanterie surréaliste au début, l’histoire va ensuite balancer entre comédie et drame, l’insistance de Padriac (Colin Farrell) envers Colm (Brendan Gleeson) entraînant des réactions de plus en plus extrêmes de la part de ce dernier.

Située peu de temps après la séparation des deux Irlande (1921), l’action se centre donc autour de l’amitié, et de ce pub devenu lieu de tensions par excellence. Une sorte de saloon de western, dont le film adopte justement certains codes (inspirés de John Ford et Sergio Leone notamment), avec divers plans filmés à partir des pieds des personnages, ou à travers les portes et les fenêtres, traduisant ainsi les frictions grandissantes entre les personnages… Si le titre peut paraître mystérieux, il évoque les croyances locales, les personnages de la vieille femme vivant isolée au bord du lac, rapellant les « banshees », ces femmes annonciatrices de mort du folklore irlandais. Et c’est justement certainement dans la nature solitaire des lieux, et le caractère isolé de l’île (le tournage s’est en réalité réparti entre deux îles : Inishmore et Achill), qu’il faut chercher une partie de la signification de cette histoire improbable mais percutante.

Les exclus de la société n'ont-ils droit dans leur existence, qu'à subir des discussions banales ? Les idiots, malgré toute leur bonne volonté, sont ils capables de maintenir une amitié sur la durée ou ont-ils droit de prétendre à l'amour ? L’amitié en elle-même peut-elle se détacher d'aspirations intellectuelles, artistiques ou de réelles affinités ? Ces choses-là ne peuvent-elles être finalement trouvées qu’en décidant de partir vers des lieux plus peuplés ou plus urbains ? En choisissant délibérément une tonalité très sombre, tout en réservant nombre de cyniques rebondissements, Martin McDonagh nous régale par la profondeur de ses personnages, son approche sensible d’êtres humains qui cherchent ici leur place dans la société, et la parabole politique qui trouve aussi un double sens face à l’actuel Brexit.

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Après l’oscarisé (et très surfait) 3 Billboards, Les panneaux de la vengeance, Martin McDonagh renoue avec son genre de prédilection : la comédie noire existentielle, de prime abord délestée du grand sujet, mais qui n’en demeure pas moins gorgée de lourdes intentions. En 1923, sur la petite île irlandaise d’Inisherin, une guerre éclate : sans raison apparente, Colm (Brendan Gleeson) décide du jour au lendemain de rompre la vieille amitié qui le lie à Pádraic (Colin Farrell). Si le premier se révèle un brin plus lettré et philosophe que le second, garçon gentil mais sans aspérités, l’origine du divorce conservera jusqu’au bout sa part de mystère. C’est que la rupture relève en vérité d’un double coup de force. Scénaristique, d’abord : on a du mal à concevoir comment ces deux personnages ont pu un jour être copains comme cochons, impression que le scénario ne cherchera jamais à conjurer. Métaphorique, ensuite : au-delà du rivage, les détonations de la guerre civile irlandaise font planer d’épais nuages sur la petite communauté.

À partir de cet arbitraire narratif, McDonagh tricote le récit, il est vrai plutôt rare, d’une amitié qui se délite brutalement, mais sans se départir d’une pesanteur allégorique, entre pics sanguinolents et présence d’une vieille matriarche dont la silhouette floutée s’apparente à celle de la grande faucheuse (ou de l’une des fameuses « banshees », ces messagères de l’Autre monde qui donnent son titre au film) contemplant du haut des falaises ce petit monde s’entredétruire. C’est bien la position qu’adopte McDonagh, dont l’aspiration à toucher du doigt un frisson métaphysique s’écrabouille sur les contours d’un scénario pachydermique. Au lieu de troubler, Les Banshees suscite surtout un regret : celui de voir Colin Farrell, acteur talentueux, patauger dans un rôle assez ingrat de benêt attristé (mention spéciale à ses acrobaties sourcilières, le meilleur effet spécial du film).

Fiche technique

  • Les Banshees d’Inisherin
  • (The Banshees of Inisherin)

  • Irlande, États-Unis, Grande-Bretagne  2022

  • Réalisation : Martin McDonagh

  • Scénario : Martin McDonagh

  • Musique : Carter Burwell

  • Interprétation : Colin Farrel (Pádraic Súilleabháin), Brendan Gleeson (Colm Doherty), Kerry Condon (Siobhan Súilleabháin), Barry Koeghan (Dominic Kearney)...

  • Distributeur : The Walt Disney Company France

  • Date de sortie : 28 décembre 2022

  • Durée : 1h54

FESTIVAL ET PRIX

 

// Meilleur scénario & meilleure interprétation masculine à la Mostra de Venise 2022 //

// Prix du meilleur film musical ou de comédie aux Golden Globes 2023 // 

// Prix du meilleur scénario aux Golden Globes 2023 // 

// Prix du meilleur acteur pour Colin Farrell aux Golden Globes 2023 //

Le réalisateur

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John Michael McDonagh

Martin McDonagh, né le 26 mars 1970 à Camberwell (Londres), est un dramaturge et réalisateur irlandais.

Né de parents irlandais, Martin McDonagh, et son frère le scénariste et cinéaste John Michael McDonagh, sont très vite obligés de se débrouiller seuls après le déménagement de leurs parents dans le Comté de Galway, dans l'Ouest de l'Irlande, d'où est originaire leur père. Martin touchera l'allocation chômage dès l'âge de 16 ans. McDonagh profitera tout de même de ses visites estivales à ses parents pour se familiariser avec cette région et le dialecte que l'on y parle, qu'il transposera plus tard dans son œuvre. Cette combinaison ironique de ce langage campagnard grossi, d'un certain symbolisme primaire teinté d'humour noir est une fusion étrange de l'œuvre de John Millington Synge, des drames modernes d'Harold Pinter et de David Mamet et des comédies télévisées anglaises.

En 1996, il remporte le London Critics Circle Theatre Awards du dramaturge le plus prometteur. Il a écrit deux trilogies de pièces de théâtre, The Leenane Trilogy (The Beauty Queen of Leenane, A Skull in Connemara, The Lonesome West) et une autre intitulée The Aran Islands Trilogy (The Cripple of Inishmaan, The Lieutenant of Inishmore, The Banshees of Inisheer), ainsi que quelques pièces radiodiffusées dont The Tale of the Wolf and the Woodcutter et The Pillowman Son univers se charge d'un comique très noir à partir de celle-ci. Au printemps 2010, sa dernière pièce, intitulée "A Behanding in Spokane", est créée à Broadway avec, dans le rôle principal, Christopher Walken.

En mars 2006, il a remporté l'Oscar du meilleur court-métrage de fiction pour son film Six Shooter (sorti en février 2005 au Royaume-Uni) qu'il a écrit et réalisé lui-même et dans lequel ont joué Brendan Gleeson, Ruaidhri Conroy, David Wilmot, Domnhall Gleeson, et Aisling O'Sullivan. Dans cette comédie dramatique on suit Gleeson pendant qu'il rentre en train chez lui, cela juste quelques heures après la mort de sa femme. Durant le voyage, il rencontre un jeune homme étrange, potentiellement psychotique. Le tournage a été réalisé à Wicklow dans le Waterford et à Rosslare, dans le Nord-est de l'Irlande.

 

Son premier film, Bons baisers de Bruges, coproduit par des fonds belge et britannique, est sorti sur les écrans français le 25 juin 2008. Martin McDonagh revient ensuite à l'écriture et derrière la caméra avec Sept Psychopathes (2012). Racontant les mésaventures d'un scénariste incarné par Colin Farrell à nouveau, le film ne rencontre pas le succès de son prédécesseur : si les critiques venues des pays anglophones lui sont globalement favorables, il peine à séduire la critique française et ne renoue pas non plus avec le succès public de Bons baisers de Bruges. En 2017 sort 3 Billboards : Les Panneaux de la Vengeance . Le film, qui raconte l'histoire d'une mère en quête de justice et de vengeance via trois panneaux à l'orée de la ville d'Ebbing, rencontre un très grand succès, restant notamment 18 semaines au box-office américain et engrangeant plus de 140 millions de dollars de recettes à travers le monde. Au-delà du succès public se trouve aussi le succès critique. Très favorablement accueilli, 3 Billboards : Les Panneaux de la Vengeance remporte tout d'abord le prix Orsella pour le meilleur scénario à la Mostra de Venise 2017, quatre Golden Globes lors de leur 75e cérémonie (dont meilleur film dramatique et meilleur scénario), cinq victoires lors de la 71e cérémonie des British Academy Film Awards (dont meilleur film, meilleur film britannique et meilleur scénario) ainsi que deux Oscars au cours de la 90e cérémonie qui viennent auréoler Frances McDormand et Sam Rockwell des titres respectifs de meilleure actrice et meilleur acteur dans un second rôle. A noter que les Golden Globes et les BAFTA ont également récompensés ces deux interprètes pour leurs rôles dans le film. Son quatrième film, Les Banshees d'Inisherin, sort à la fin de l'année 2022. Il réunit le duo de son premier film Bons baisers de Bruges : Colin Farrell et Brendan Gleeson.

Les interviews

interview en anglais

Entretien avec Martin McDonagh

Avez-vous envisagé ce premier long métrage tourné en Irlande comme un retour aux sources ?
Oui. Il me démangeait d’y revenir. La plupart de mes pièces se déroulent en Irlande, mais j’avais pour idée de filmer les paysages irlandais de façon inhabituelle. La plupart des films irlandais actuels se passent à Dublin ou dans un cadre urbain. Moi, je voulais capturer la beauté cinématographique de la côte ouest du pays et raconter une histoire spécifiquement irlandaise. L’île des Banshees d’Inisherin est imaginaire, mais ressemble beaucoup à l’une des îles d’Aran où nous avons tourné, Inishmore. Ce film est le troisième volet d’une manière de trilogie se déroulant dans cet archipel, après mes deux pièces situées dans des îles réelles [The Cripple of Inishmaan, 1996, et The Lieutenant of Inishmore, 2001], et c’est le plus triste.


Par bien des aspects, le film évoque le western, y compris par le long manteau de Colm et son chapeau à larges bords…

C’était intentionnel. L’aspect des maisons joue aussi, ou la façon de filmer le paysage à travers des fenêtres ou des portes, comme John Ford dans La Prisonnière du désert, même si ce n’est pas Monument Valley... De même, on croirait deux cow-boys qui vont au bar et échangent des coups, même si ce ne sont ici que des joutes verbales... L’ensemble fait des Banshees d’Inisherin un western-pomme de terre !


Avez-vous écrit le film pour vos acteurs ?
En effet, Colin et Brendan ont reçu une première version il y a six ou sept ans, qui ne fonctionnait pas trop bien. Mais quand je l’ai relue, il y a trois ans, j’ai bien aimé les cinq premières pages, qui sont presque restées à l’identique dans le film définitif. Après, l’histoire partait dans trop de directions, avec des intrigues secondaires que j’ai supprimées. La guerre civile était plus présente, avec l’arrivée par bateau d’un soldat, par exemple... Aucun intérêt. Il n’y a presque pas d’intrigue à proprement parler dans le film : tout se focalise sur la séparation des deux amis. Dès que cette décision d’épurer a été prise, nous avons tous été très excités par la tournure du projet. C’est cette simplicité que j’aime dans le film : la tristesse de deux types qui ne s’aiment plus.

 
Extrait de « C'est un western-pomme de terre », entretien réalisé par Yann Tobin et Fabien Baumann, à paraitre dans le numéro 743 (janvier 2023) de Positif

 

« Les Banshees d'Inisherin c'est l'histoire d'une île, du petit groupe de gens qui y vivent et de deux amis. Au début du film, à la suite de la décision de l’un d’entre eux, ils sont contraints de prendre des chemins séparés. L’autre a particulièrement du mal à l’accepter. C'est une intrigue à plusieurs personnages avec de nombreuses lignes narratives qui s’entrecroisent On ne parle pas d'un lieu qui existe vraiment.
L'imagination de Martin McDonagh s’est emparée de certains tropes pour les emmener à un autre niveau. Mais l'histoire repose sur deux amis qui ne le sont plus et sur les conséquences que cela entraîne pour eux et pour leur communauté. Il y a de la discorde et de la folie, le deuil et la souffrance, et tout cela est parsemé de quelques rires.
Ce que je préfère dans l'écriture de Martin McDonagh, c'est qu’elle est sans malice. Certains des personnages qu'il présente au public peuvent être incroyablement
malveillants et cruels et certains des événements peuvent aller au-delà de l’acceptable dans le macabre, mais je ne détecte jamais de méchanceté de la part de l'écrivain, de la voix du créateur. La vitesse à laquelle ses scènes enchaînent les ruptures de ton m'étonne. C’est vraiment drôle à jouer. On est en train de rire et tout
d'un coup il place une réplique qui prend complètement aux tripes. Ce sentiment : "Je riais et maintenant je suis complètement choquée" pousse à réfléchir plus profon
dément. Il est aussi très doué pour dépeindre la bienveillance et la solitude. »

 

 

« Colm se met à agir de manière très étrange, évitant Pádraic. Il refuse d’ouvrir sa porte. Et c'est ainsi que débute cette aventure, avec une porte qui se ferme à un ami cher... sans raison apparente. Colm décide d'embrasser l'art et la créativité comme la chose la plus importante au monde. Et les conséquences sont désastreuses. Pádraic fait le choix de la gentillesse ce qui a également pour lui des conséquences épouvantables. La guerre civile irlandaise a été une tragédie - c'est le contexte ici. En essayant d’analyser et de comprendre comment les situations peuvent dégénérer, on peut faire face et refuser d’emprunter cette voie. J'espère que le film rappellera aux gens que toute décision mauvaise ou néfaste a un impact durable. Je pense que les dissensions qui s'exacerbent sur l'île et la sauvagerie de ce qui se passe dans le film reflètent ce qui se passe sur le continent. Tout le monde campe sur ses petites positions, ce qui ne fait qu'envenimer et aggraver les désaccords.

Alors que de nombreux écrivains mélangent comédie et tragédie, Martin McDonagh a la capacité d’entremêler les styles à l’intérieur d’une même scène voire d’une même ligne de dialogue. En tant qu'acteur, on recherche une voix unique, une façon originale d'articuler les pensées, les sentiments, de créer des personnages et des mondes entiers. C'est agréable de rencontrer un auteur capable de créer un monde qui a son propre ordonnancement et son esthétique. La voix de Martin McDonagh peut être extraordinaire Au final, il explore des territoires horribles, armé de compassion et d'empathie. »

 

Le film, vu par ses comédiens

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Colin Farrell

Brendan Gleeson

Son premier court      Six Shooter

En mars 2006, il a remporté l'Oscar du meilleur court-métrage de fiction pour son film Six Shooter (sorti en février 2005 au Royaume-Uni) qu'il a écrit et réalisé lui-même et dans lequel ont joué Brendan Gleeson, Ruaidhri Conroy, David Wilmot, Domnhall Gleeson, et Aisling O'Sullivan. Dans cette comédie dramatique on suit Gleeson pendant qu'il rentre en train chez lui, cela juste quelques heures après la mort de sa femme. Durant le voyage, il rencontre un jeune homme étrange, potentiellement psychotique. Le tournage a été réalisé à Wicklow dans le Waterford et à Rosslare, dans le Nord-est de l'Irlande.

Alors que de nombreux écrivains mélangent comédie et tragédie, Martin McDonagh a la capacité d’entremêler les styles à l’intérieur d’une même scène voire d’une même ligne de dialogue. En tant qu'acteur, on recherche une voix unique, une façon originale d'articuler les pensées, les sentiments, de créer des personnages et des mondes entiers. C'est agréable de rencontrer un auteur capable de créer un monde qui a son propre ordonnancement et son esthétique. La voix de Martin McDonagh peut être extraordinaire Au final, il explore des territoires horribles, armé de compassion et d'empathie. »

 

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Légende de la Banshee

Quand la plupart des gens pensent à une Banshee, ils imaginent une silhouette spectrale flottante qui gémit et qui est généralement extrêmement effrayante. Vous pouvez également être au courant de la croyance ancienne selon laquelle les Banshees annoncent la mort. Voici l'histoire complète de la Banshee ...

Qu'est-ce qu'une banshee?

Une Banshee serait une fée dans la légende irlandaise et son cri serait un présage de mort. Le cri est également appelé «caoine», ce qui signifie «enthousiaste» et signifie qu’il y aura une mort imminente dans la famille et que, au fil du temps, les familles irlandaises se sont mélangées, on dit que chaque famille a son propre Banshee!  lire la suite

 

La Banshee est un être issu des légendes de la mythologie irlandaise. Plus généralement, on en retrouve des écrits en Irlande, Écosse, ainsi qu’au Pays de Galles et en Bretagne. Terrifiante, cette créature féminine annoncerait par ses hurlements stridents une mort à venir.

Portrait d’une Banshee

Un Être annonciateur de la mort…

La Banshee (Bean Si ou Bean Sidhe en gaélique irlandais) est avant tout décrite comme une femme blafarde, habillée d’une longue robe blanche fantomatique.

Ses cheveux seraient alors coiffés en bataille, et ses cris (appelés keenings) seraient si déchirant qu’ils transpereraient toutes les âmes humaines.

Aussi, la Banshee est par définition un être en douleur, qui manifeste sa souffrance par de véritables cris inhumains. Ces hurlements seraient d’ailleurs d’une telle intensité, qu’ils blanchiraient les cheveux de celui qui les entends.

Dans les écrits, on dépeint ses cris comme un savant mélange de hurlements poussés par des enfants, de hurlement de loups, ainsi que des plaintes criées par les femmes en plein accouchement. Ajoutez à cela le cris de l’oie sauvage, et vous aurez alors une bonne idée de la cacophonie inssuportable d’un hurlement de Banshee !

La légende raconte que ces hurlements annonceraient alors pour celui qui l’entend, la mort prochaine d’un proche, ou de quelqu’un d’important. Beaucoup d’ailleurs l’assimilent à une figure voisine de la grande faucheuse, à ceci prêt que la Banshee ne fait qu’annoncer la mort : elle ne la provoque jamais.

 

La légende voudrait également que les grands familles irlandaises possèdent leur propre Banshee. Celle-ci n’annoncerait ainsi que les morts à venir des membres de la famille, et en aucun cas celle d’étrangers à ce cercle familial.

Les déformations culturelles auraient au fil du temps placées la légende de la Banshee au rang des mythes comme ceux des fées, des sorcières ou encore des leprechauns. On en trouve d’ailleurs différentes interprétations suivant le pays où vous vous trouvez. Certains la décrivent comme une très belle femme, tandis que d’autres la dépeignent comme un vieille dame âgée, très maigre et enlaidie par la douleur.

Et vous ? Y croyez-vous ?

 

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